Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/529

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
468
SIXIÈME ENNÉADE.

Bien parce qu’elle est dès le commencement provoquée par lui à l’aimer. Quand elle est prête à aimer, elle n’attend pas que les beautés d’ici-bas lui donnent la réminiscence du Bien ; pleine d’amour, même quand elle ignore ce qu’elle possède, elle cherche toujours, et, enflammée du désir de s’élever au Bien, elle dédaigne les choses d’ici-bas : en considérant les beautés que lui présente notre univers, elle les soupçonne d’être trompeuses, parce qu’elle les voit revêtues de chair et unies à nos corps, souillées par la matière où elles résident, divisées par l’étendue, et qu’elle ne les reconnaît pas comme de véritables beautés (car elle ne saurait croire que celles-ci puissent se plonger dans ce bourbier des corps, se souiller et s’obscurcir[1]) ; enfin, quand l’âme remarque que les beautés d’ici-bas sont dans un flux perpétuel, elle reconnaît clairement qu’elles tiennent d’ailleurs cet éclat dont elles brillent[2]. Alors elle s’élève au monde intelligible : étant capable de découvrir ce qu’elle aime, elle ne s’arrête pas avant de l’avoir trouvé, à moins qu’on ne lui fasse perdre son amour. Arrivée là, elle contemple toutes les vraies beautés, les vraies réalités[3] ; elle se fortifie en se remplissant de la vie propre à l’Être ; elle devient elle-même être véritable ; elle est intimement unie à l’intelligible qu’elle possède réellement, et en sa présence elle a le sentiment de ce qu’elle cherchait depuis longtemps.

XXXII. Où donc est Celui qui a créé cette admirable beauté

    c’est alors uniquement qu’il est honnête de se donner à qui nous aime. » (Banquet, trad. de M. Cousin, t. VI, p. 362.)

  1. Voy. Enn. I, liv. VI, § 5 ; t. I, p. 106.
  2. Voy. Enn. I, liv. VI, § 7 ; t. I, p. 108.
  3. Ce passage rappelle ces lignes de Platon : « Lancé sur l’océan de la beauté, et tout entier à ce spectacle, il enfante avec une inépuisable fécondité les pensées et les discours les plus magnifiques et les plus sublimes de la philosophie ; jusqu’à ce que, grandi et affermi dans ces régions supérieures, il n’aperçoive plus qu’une science, celle du beau. » (Banquet, trad. de M. Cousin, t. VI, p. 315.)