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SOMMAIRES.


que l’individuation exige des différences distinctives propres à chaque espèce, différences qui ne peuvent être que des degrés divers d’intelligence et de vie ; de là résulte la nécessité que ces deux propriétés aillent toujours en décroissant à mesure que l’on descend l’échelle des êtres. Sans ces différences, l’Être intelligible serait un seulement, au lieu d’être un et multiple, comme il le doit. Il faut donc que chaque essence, comme l’Être lui-même, soit à la fois une et multiple.

(XI-XII) Comme le ciel renferme tous les objets sensibles, le monde intelligible possède toutes les essences sans exception ; par conséquent, il contient les essences des forces naturelles qui font végéter les plantes, grossir les pierres, agir les éléments, vivre la Terre elle-même. Puisque l’existence de chacun des objets sensibles découle ainsi nécessairement de la nature divine, demander pourquoi ces objets existent, c’est demander pourquoi l’Intelligence universelle est ainsi faite ; question superflue, puisque celle-ci a sa raison d’être en elle-même.

(XIII) L’Intelligence est un acte qui contient tous les actes ; donc elle vit, par conséquent elle se meut ; et elle se meut avec uniformité et variété. Si elle avait un mouvement qui exclût toute différence, elle ne saurait s’éveiller à la vie ni être un acte ; elle ne serait plus universelle. Mais elle est la vie universelle ; elle doit donc se mouvoir vers toutes les essences pour parcourir tout le champ de la vérité, tout en restant en elle-même. Par là elle possède tous les degrés de la vie universelle, identique par son fond, infiniment variée par ses formes.

(XIV) On peut le comprendre en considérant la nature de la force qui anime une plante. Elle doit contenir à la fois uniformité et variété pour que la plante soit un tout, un ensemble de parties diverses jusque dans les moindres détails, et non une masse uniforme. Ainsi, l’intelligence divine est infinie, parce qu’elle est une et multiple. Ses puissances en renferment d’autres moins grandes et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on arrive à la forme individuelle.

Du Bien.— (XV) La Vie multiple et universelle, première et une, appartient à l’Intelligence, parce qu’elle est l’archétype qui possède la forme du Bien, comme dit Platon, en ce sens qu’elle possède le Bien dans les formes, c’est-à-dire, dans les idées. En contemplant le Bien, l’Intelligence reçoit de lui la puissance d’engendrer les essences qui ont aussi chacune la forme du Bien en même temps qu’elles possèdent leur type propre.

(XVI) L’Intelligence a la forme du Bien parce qu’elle a dû d’abord se tourner vers lui et le voir sans avoir conscience d’elle-même ; puis, par son mouvement vers le Bien, elle est devenue la plénitude de toutes choses, l’Être universel ; enfin, elle a été l’Intelligence quand, par la conscience qu’elle a eue d’elle-même, elle a vu en elle toutes les essences à l’aide de la lumière qu’elle a reçue du Bien avec cette plénitude. Le Bien est ainsi la cause et de l’existence et de l’intelligibilité de toute essence.

(XVII) Pour que le Bien soit la cause de toute essence, de toute intelligibilité, il n’a pas besoin d’avoir la même nature que ces choses ; il suffit qu’il soit au-dessus d’elles. La vue de l’Un a donné à l’Intelligence une