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SIXIÈME ENNÉADE, LIVRE VII.
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détermination, une limite, une forme, quoiqu’il n’ait lui-même ni limite, ni forme. L’Intelligence était d’abord vie infinie, indéterminée ; en se déterminant, elle est devenue une en vertu de sa détermination, et multiple, en vertu de la multitude des essences qu’elle possédait. À son tour, elle a déterminé l’Âme et elle l’a rendue raisonnable en lui communiquant ce dont elle est elle-même le vestige.

(XVIII) Pourquoi les essences que contient l’Intelligence paraissent-elles avoir la forme du Bien ? C’est que, procédant toutes d’un même principe, elles conservent toutes le caractère de leur origine et qu’elles ont ainsi un prix inestimable.

(XIX) En quoi consiste le Bien ? Il ne faut pas le définir : ce qui est désirable, ce qu’on désire, parce que ce serait s’en remettre à une affection de l’âme ; — ni : la vertu propre à chaque être, parce que dans ce cas, tout en disant quelque chose de conforme à la raison, on reste encore dans l’ambiguïté.

(XX) L’intelligence n’est pas non plus le Bien, parce que tout aspire au Bien et que tout n’aspire pas à l’Intelligence. Pour chercher l’Intelligence, il faut le raisonnement ; il n’en est pas besoin pour désirer le Bien.

(XXI-XXIII) L’Intelligence et la Vie première ne sont désirables que parce qu’elles portent la forme du Bien ; la Vie, parce qu’elle est l’acte du Bien ; l’Intelligence, parce qu’elle est son acte déjà déterminé. Elles excitent l’amour quand à l’éclat qu’elles tiennent naturellement du Bien vient s’ajouter un nouveau reflet de sa lumière. C’est la vue de cette lumière qui les fait aimer : car chaque intelligible devient désirable quand le Bien l’illumine en donnant à ce qui est désiré les grâces et à ce qui désire les amours. Dès que l’âme est illuminée par le Bien, elle se porte vers l’Intelligence, parce qu’elle en admire la beauté. Puis elle s’élève plus haut encore, à la source de la beauté et de l’amour, et elle s’arrête au Bien parce qu’il n’y a plus rien au delà. En effet, le Bien est le principe suprême de toutes choses, parce qu’il est excellent et qu’il n’a besoin de rien. C’est lui qui a donné et qui conserve à tout l’intelligence, la vie et l’existence.

(XXIV-XXV) Être désirable n’est pas la nature du Bien, mais la conséquence de sa nature. Il ne faut pas non plus faire consister le Bien dans le plaisir. Si Platon dit dans le Philèbe que le bien ne consiste pas seulement dans l’intelligence et s’il y comprend encore le plaisir, c’est parce que l’attrait et le plaisir sont les signes sensibles de la présence du bien, sans le constituer cependant. D’ailleurs, dans ce dialogue, Platon ne considère pas le Bien absolu, mais le bien relatif à l’homme.

La graduation des biens correspond à celle de la perfection des êtres. Le bien de la matière est la forme qui lui donne l’ordre et la beauté ; celui du corps est l’âme dont il tient la vie ; celui de l’âme est la vertu qu’elle reçoit de l’intelligence et qui lui confère la sagesse et le bonheur ; celui de l’intelligence est le Premier, le Bien absolu, dont elle est l’acte, dont elle reçoit sa lumière et sa bonté.

(XXVI) Quand on se trompe au sujet du bien, c’est qu’il y a quelque bonté dans l’objet qui cause l’erreur. Les objets inanimés reçoivent leur bien des êtres animés qui s’occupent d’eux. Ceux-ci, guidés par le désir, recherchent leur bien