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LIVRE SEPTIÈME.

mier rang et constitue leur essence[1]. Mais s’il y a un principe qui soit un par lui-même, il est trop grand pour se connaître, pour se penser, pour avoir conscience de soi, parce qu’il n’est rien de déterminé même pour lui-même[2]. Il ne reçoit rien en lui, il se suffit. Il est donc le Bien non pour lui-même, mais pour les autres natures : celles-ci ont en effet besoin du Bien, mais le Bien n’a pas besoin de lui-même ; ce serait ridicule, et il se ferait ainsi défaut à lui-même. Il ne se regarde pas non plus lui-même : car, de ce regard, il y aurait, il naîtrait quelque chose pour lui. Il a laissé toutes ces choses aux êtres inférieurs, et rien de ce qui est en eux ne se trouve en lui : c’est ainsi qu’il n’est pas même essence. Il ne possède donc pas non plus la pensée, puisque la pensée est unie à l’essence, que la Pensée première et suprême existe en même temps que l’Essence. On ne peut donc pas [dit Platon[3]] exprimer Dieu par la parole, en avoir la perception ni la science, puisqu’on ne peut en affirmer aucun attribut.

XLII. Quand vous êtes embarrassé à ce sujet, et que vous cherchez ce que vous devez faire de ces attributs auxquels le raisonnement vous amène, rejetez ce que vous regardez comme vénérable dans les choses du second ordre ; n’attribuez ainsi au Premier rien de ce qui appartient aux choses

  1. Voy. Enn. IV, liv. III, § 1 ; t. II, p. 262.
  2. « Si quis ex nobis quærat quid inter utriusque philosopha doctrinam intersit, quum Plotinus Platonem servili fere modo videatur sec tari, respondere possumus in maximo illo placitorum consensu etiam discrimen esse maximum : nam quum et Plato et alii omnes philosophi id potissimum spectassent ut se ipsi recte cognoscerent, Plotinus id tum demum ûeri rite monuit, si Deum studeamus cognoscere. Itaque vere dicere possumus Platonem docuisse quomodo divinæ rationes ubique in mundo appareant, Plotinum vero, quomodo omnia in Deo sint ; et quum Plato præcepisset ut secundum Deum homines viverent, Plotinus eos in Deo vitere jussit. » (Steinhart, Meletemata plotiniana, p. 22.)
  3. Voy. le passage de Platon cité ci-dessus, p. 482, note 1.