Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/554

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
493
LIVRE HUITIÈME.


d’obstacle à nos volontés[1]. De là résulte cette définition : Ce qui dépend de nous est ce qui relève uniquement de notre volonté, ce qui a lieu ou n’a pas lieu selon que nous le voulons[2]. Nous appelons en effet volontaire (έϰούσιον (ekousion)) ce que nous faisons sans contrainte, avec conscience de le faire[3] ; dépendant de nous (ἐφ’ ἡμῖν (eph’ hêmin)), ce que nous sommes maîtres de faire ou de ne pas faire. Ces deux choses se trouvent le plus souvent réunies, quoiqu’elles diffèrent entre elles. Il est des cas où l’une des deux manque : on peut, par exemple, être maître de tuer un homme ; et cependant on ne fait pas un acte volontaire si c’est son père que l’on tue sans le savoir[4]. Dans ce cas, l’acte est libre et n’est pas volontaire. Pour que l’acte soit volontaire, il faut que l’on ait connaissance non-seulement des détails, mais encore de

  1. C’est la doctrine d’Aristote : « On peut regarder comme involontaires toutes les choses qui se font ou par force majeure [par contrainte] ou par ignorance. Une chose faite par force majeure est celle dont la cause est extérieure, et de telle nature que l’être qui agit ou qui souffre ne contribue en rien à cette chose. » (Morale à Nicomaque, liv. III, chap. 1 ; trad. fr., t. II, p. 2.)
  2. « Pour toutes les actions dont l’homme est cause et souverain maître, il est clair qu’elles peuvent être et ne pas être, et qu’il ne dépend que de lui que ces choses arrivent ou n’arrivent pas, puisqu’il est le maître qu’elles soient ou ne soient point. Il est donc la cause responsable de toutes les choses qu’il dépend de lui de faire ou de ne pas faire ; et toutes les choses dont il est cause ne dépendent que de lui seul. » (Morale à Eudème, liv. II, chap. 6 ; trad. fr., t. III, p. 268.)
  3. « L’acte involontaire étant celui qui est fait par force majeure ou par ignorance, l’acte volontaire semblerait être l’acte dont le principe est dans l’agent lui-même, qui sait en détail toutes les conditions que son action renferme. » (Aristote, Morale à Nicomaque, liv. III, chap. 2 ; trad. fr., t. II, p. 10.) Steinhart dit avec raison à ce sujet : « Aristoteles, discernens liberum arbitrium et voluntatem illam quæ rationis præcepta sequitur, viam aperuit omnibus qui rectius has res cognoscere cuperent. » (Meletemata plotiniana, p. 30, note.)
  4. Voy. Aristote, Morale à Eudème, liv. II, chap. 9 ; trad. fr., t. III, p. 286.