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SIXIÈME ENNÉADE.

l’ensemble[1]. Sinon, pourquoi dire que l’on fait un acte volontaire quand on tue un ami sans le savoir[2] ? L’homicide ne serait-il pas encore involontaire si l’on ignorait qu’il n’en fallût pas commettre ? Si l’on soutient le contraire, si l’on dit qu’on devait s’en instruire[3], nous répondrons que ce n’est pas volontairement qu’on ignore ou qu’on est détourné de s’instruire[4].

II. Mais à quelle partie de nous-mêmes faut-il rapporter

  1. « Comme ce genre d’ignorance concerne toujours les choses dans lesquelles consiste l’action, celui qui en agissant ignore quelqu’une de ces circonstances semble par cela même agir malgré sa volonté, et surtout dans les deux points les plus graves, qui sont ici, d’abord l’objet même de l’action, et ensuite le but que l’on se propose en la faisant. » (Aristote, Morale à Nicomaque, liv. VII, chap. 2 ; tr. fr., t. II, p. 10.)
  2. Voy. Aristote, Morale à Nicomaque, liv. III, chap. 2 ; tr. fr., t. II, p. 10.
  3. « Des législateurs punissent encore ceux qui ignorent les dispositions de la loi qu’ils doivent connaître, et quand ils pouvaient les connaître sans trop de difficulté. Ils montrent la même sévérité dans tous les cas où l’ignorance ne paraît venir que de la négligence, estimant sans doute qu’il ne dépend que de l’individu de n’être pas ignorant, et le supposant maître d’apporter les soins nécessaires à remplir ce devoir. » (Aristote, Morale à Nicomaque, liv. III, chap. 6 ; tr. fr., t. II, p. 30.)
  4. C’est la théorie de Platon. Voy. Alcinoüs, De la Doctrine de Platon, ch. xxxi (La vertu est volontaire, et le vice involontaire). Aristote combat cette théorie : « On ne peut pas appeler involontaire l’action d’un homme parce qu’il méconnaît son intérêt. L’ignorance qui préside au choix même de l’agent n’est pas cause que son acte soit involontaire ; elle est cause uniquement de sa perversité. Ce n’est pas non plus l’ignorance en général qu’il faut accuser, bien que ce soit sous cette forme que se produise ordinairement le blâme ; mais c’est l’ignorance particulière, spéciale pour les choses, et dans les choses auxquelles s’applique l’action dont il s’agit. C’est aussi dans ces limites qu’il y a place, soit pour la pitié, sait pour le pardon : car celui qui fait quelqu’une de ces choses coupables, sans savoir qu’il les fait, agit involontairement Mais avancer que « personne n’est pervers de son plein gré, ni heureux malgré soi, » c’est une assertion qui contient tout à la fois de l’erreur et de la vérité. Non certainement, per-