Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/560

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
499
LIVRE HUITIÈME.

dépravés qui agissent ordinairement d’après ces images ne font pas, selon nous, des actes libres et volontaires. Nous ne reconnaissons la liberté qu’à celui qui, affranchi des passions du corps, n’est déterminé dans ses actes que par l’intelligence. Nous rapportons ainsi la liberté au principe le plus noble, à l’action de l’intelligence[1] ; nous regardons comme réellement libres les décisions dont elle est le principe, comme volontaires les désirs qu’elle excite. La liberté ainsi définie est celle que nous attribuons aux dieux, qui vivent conformément à l’intelligence et au désir dont elle est le principe[2].

IV. On pourrait demander ici comment ce qui est produit par un désir peut être libre (αὐτεξούσιον (autexousion)), puisque le désir implique un besoin et nous entraîne vers quelque chose d’extérieur : car celui qui désire cède à un entraînement, cet

  1. « Cette indépendance dont on parle tant se trouve surtout dans la vie intellectuelle et contemplative… Ainsi, et l’indépendance qui se suffit, et la tranquillité et le calme, autant du moins que l’homme peut en avoir, et tous les avantages ordinaires qu’on attribue d’ordinaire au bonheur, semblent se rencontrer dans l’acte de la pensée qui contemple. » (Aristote, Morale à Nicomaque, liv. X, chap. 7 ; trad. fr., t. II, p. 454-456.)
  2. « En parcourant le détail des actions que l’homme peut faire, toutes véritablement sont bien petites pour les dieux, et tout à fait indignes de leur majesté. Cependant le monde entier croit à leur existence ; par conséquent, on croit aussi qu’ils agissent : car apparemment ils ne dorment pas toujours comme Endymion. Mais, si de l’être vivant on retranche l’idée d’agir, et à plus forte raison l’idée de faire quelque chose d’extérieur, que lui reste-t-il donc si ce n’est la contemplation ? » (Aristote, Morale à Nicomaque, liv. X, chap. 8 ; trad. fr., t. II, p. 462.) Les rapports que nous signalons ici entre Aristote et Plotin ont été reconnus aussi par Steinhart qui les indique en ces termes : « In egregio De Libera voluntate libro, primum Stagiritæ de arbitrio et voluntate definitiones recipit Plotinus, tum ad sublimiorem veræ libertatis, quæ vitam divinam imitetur, notionem attollitur, et unice in bono libertatem esse vidit. » (Meletemata plotiniana, p. 30, note.)