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SIXIÈME ENNÉADE.

par une connaissance, et que cette connaissance n’embrasse que le fait accompli, leurs actions sont alors déterminées par un autre principe. Si, même indépendamment du désir, la raison ou la connaissance nous fait faire certaines choses et nous domine[1], à quelle faculté rapportera-t-on l’acte et comment a-t-il lieu ? Si la raison produit un autre désir, comment le produit-elle ? Si c’est en calmant le désir que la raison se manifeste et nous rend libres, le libre arbitre ne se trouve plus dans l’action, mais dans l’intelligence : car toute action, fût-elle dirigée par la raison, est quelque chose de mixte et n’offre pas le libre arbitre dans sa pureté.

III. La question mérite d’être examinée avec soin : car nous allons avoir à parler des dieux.

Nous avons rapporté le libre arbitre (ou ce qui dépend de nous, τὸ ἐφ’ ἡμιν (to eph’ hêmin)) à la volonté, et celle-ci à la raison d’abord, puis à la droite raison ; ajoutons, à la raison accompagnée de la connaissance : car on ne possède pas encore d’une manière évidente la liberté (τὸ αυτεξούσιον (to autexousion)), si l’on ne sait pas pourquoi sa décision ou son action est bonne, si l’on a été conduit à faire ce qu’il fallait par hasard ou par une représentation sensible. Puisque celle-ci n’est pas en notre pouvoir, nous ne saurions rapporter au libre arbitre les actions qu’elle inspire. Nous appelons ici représentation sensible (φαντασία (phantasia)) l’imagination qui est excitée en nous par les passions du corps : car elle nous offre telle ou telle image selon que le corps a besoin de nourriture, de boisson, de jouissances charnelles. Ceux qui agissent d’après les représentations sensibles excitées en eux par les diverses qualités des humeurs du corps ne sont pas le principe libre (ἀρχὴ αὐτεξούσιος (archê autexousios)) de leurs actions. C’est pourquoi les hommes

  1. Les gens tempérants ont beau sentir des appétits et des désirs, ils ne font pas ce dont ils ont appétit ; ils ne suivent que leur intelligence. » (Aristote, De l’Âme, chap. III ch. 9, trad. fr., p. 399.)