Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/594

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
533
LIVRE HUITIÈME.

chose, il n’est que ce qui commande, parce qu’il n’a rien en lui qui obéisse[1]. — Comment donc commande-t-il s’il n’a en lui aucune chose à laquelle il commande ? — Si l’on dit qu’il se commande, c’est en ce sens qu’il n’a rien au-dessus de lui ; or, s’il n’a rien au-dessus de lui, il est Premier, non par l’ordre, mais par son autorité et sa puissance parfaitement libre. S’il est parfaitement libre, on ne saurait concevoir en lui rien qui ne soit libre ; il est donc tout entier librement en lui-même. Quelle chose lui appartient qui ne soit lui-même ? Qu’y a-t-il en lui qu’il ne fasse ! Qu’y a-t-il en lui qui ne soit son œuvre ? S’il y avait en lui quelque chose qui ne fût pas son œuvre, il ne serait point parfaitement libre et tout-puissant : [il ne serait pas libre,] puisqu’il ne serait pas maître de cette chose ; il ne serait pas tout-puissant, puisque la chose qu’il ne serait point maître de faire échapperait par là même à sa puissance.

XXI. Dieu pouvait-il donc se faire autre qu’il ne s’est fait ? [S’il ne le pouvait pas, il n’est pas tout-puissant.] — Vous lui enlevez le pouvoir de faire le bien, parce qu’il ne saurait faire le mal. En Dieu, la puissance ne consiste pas à pouvoir les contraires ; c’est une puissance constante et immuable, dont la perfection consiste précisément à ne point s’écarter de ce qui est un : car pouvoir les contraires est le caractère propre de l’être incapable de se tenir toujours au meilleur. Il faut que ce que nous appelons l’acte par lequel Dieu s’est créé (ποίησις αὐτοῦ (poiêsis autou)) existe une fois pour toutes : car cet acte est parfait. Qui pourrait changer un acte qui a été produit par la volonté de Dieu, un acte qui est sa volonté même ? — Mais [dira-t-on], comment cet acte a-t-il été produit par la volonté de Dieu qui n’existait pas encore[2] ? — Qu’est-ce donc que la volonté de Dieu, si l’on ne reconnaît pas qu’il veut par cela seul qu’il subsiste ?

  1. Voy. ci-dessus § 4, p. 500.
  2. Voy. le développement de cette objection ci-dessus au commencement du § 20, p. 531.