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LIVRE NEUVIÈME.
DU BIEN ET DE L’UN[1].


I. Tous les êtres, tant les êtres premiers que ceux qui reçoivent le nom d’êtres à un titre quelconque, ne sont des êtres que par leur unité. Que seraient-ils, en effet, sans elle ? Privés de leur unité, ils cesseraient d’être ce qu’on dit qu’ils sont. Une armée n’existe point, en effet, si elle n’est une ; il en est de même d’un chœur, d’un troupeau. Une maison, un vaisseau non plus ne sont point, s’ils ne possèdent l’unité ; en la perdant, ils cesseraient d’être ce qu’ils sont[2]. Il en est de même des quantités continues : elles n’existeraient pas si elles n’avaient pas d’unité : quand on les divise, en perdant leur unité, elles perdent en même temps leur nature. Considérez encore les corps des plantes et des animaux, dont chacun est un : s’ils viennent à perdre leur unité en se fractionnant en plusieurs parties, ils perdent aussitôt leur essence ; ils ne sont plus ce qu’ils étaient, ils sont devenus des êtres nouveaux, qui n’existent eux-mêmes qu’autant qu’ils sont uns. Ce qui fait en nous la santé, c’est que les parties de notre corps sont coordonnées dans l’unité ; la beauté, c’est que l’unité contient tous nos membres ; la vertu, c’est que notre âme tend à l’unité et devient une par l’harmonie de ses facultés.

Puisque l’Âme amène à l’unité toutes choses en les produisant, en les façonnant, en leur donnant la forme, devons-

  1. Pour les Remarques générales sur ce livre, Voy. les Éclaircissements à la fin du volume.
  2. Voy. ci-dessus Enn. VI, liv. VI, § 13, p. 387.