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LIVRE NEUVIÈME.

donc de l’unité ; néanmoins il possède l’unité par participation. L’Être possède la vie et l’intelligence (car on ne peut le regarder comme privé de la vie) ; il est donc multiple. Enfin, si l’Être est Intelligence, il est également multiple sous ce rapport, et il l’est bien plus encore s’il contient les formes (εἴδη (eidê)) : car l’idée (ἰδέα (idea)) n’est pas véritablement une ; c’est plutôt un nombre[1], aussi bien l’idée individuelle que l’idée générale ; elle n’est une que comme le monde est un.

En outre, l’Un en soi est ce qui est premier ; mais l’Intelligence, les formes et l’Être ne sont pas choses premières. Chaque forme est multiple et composée, par conséquent, c’est une chose postérieure : car les parties sont antérieures au composé qu’elles constituent. Que l’Intelligence ne soit pas ce qui est premier, on le voit par les faits suivants : exister pour l’Intelligence, c’est nécessairement penser, et l’Intelligence la meilleure, celle qui ne contemple pas les objets extérieurs, doit penser ce qui est au-dessus d’elle : car, en se tournant vers elle-même, elle se tourne vers son principe. D’un côté, si l’Intelligence est à la fois la chose pensante et la chose pensée, elle implique dualité, elle n’est pas simple, elle n’est pas l’Un. D’un autre côté, si l’Intelligence contemple un objet autre qu’elle, ce ne peut être qu’un objet meilleur qu’elle et placé au-dessus d’elle. Enfin, si tout à la fois l’Intelligence se contemple elle-même et contemple ce qui est meilleur qu’elle, de cette manière elle est encore au second rang. Il faut donc admettre que l’Intelligence qui a une telle nature jouit de la présence du Bien, du Premier, et qu’elle le contemple ; mais qu’elle est en même temps présente à elle-même, et qu’elle se pense comme étant toutes choses. Or, renfermant une telle diversité, elle est bien éloignée d’être l’Un.

Ainsi, l’Un n’est point toutes choses : car de cette manière

  1. Voy. ci-dessus liv. IV, § 9, p. 379.