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SIXIÈME ENNÉADE.

vision est-il fort difficile à décrire. Comment en effet dépeindre comme différent de nous Celui qui, lorsque nous le contemplions, ne nous apparaissait pas comme autre que nous-mêmes, mais comme ne faisant qu’un avec nous ?

XI. C’est là sans doute ce que signifie la défense qu’on fait dans les mystères d’en révéler le secret aux hommes qui n’ont pas été initiés : comme ce qui est divin est ineffable, on prescrit de n’en point parler à celui qui n’a pas eu le bonheur de le voir.

Puis donc que [dans cette vision de Dieu] il n’y avait pas deux choses, que celui qui voyait était identique à Celui qu’il voyait, de telle sorte qu’il ne le voyait pas, mais qu’il lui était uni, si quelqu’un pouvait conserver le souvenir de ce qu’il était quand il se trouvait ainsi absorbé en Dieu, il aurait en lui-même une image fidèle de Dieu[1]. Alors en effet il était lui-même un, il ne renfermait en lui aucune différence, ni par rapport à lui-même, ni par rapport aux autres êtres. Pendant qu’il était ainsi transporté dans la région céleste, rien n’agissait en lui, ni la colère, ni la concupiscence, ni la raison, ni même la pensée ; bien plus, il n’était plus lui-même, s’il faut le dire, mais, plongé dans le ravis-

  1. Alors nous serons réduits à la parfaite unité et simplicité ; mais dans cette simplicité nous porterons la parfaite image de la Trinité puisque Dieu, uni au fond de notre être et se manifestant lui-même, produira en nous la vision bienheureuse qui sera en un sens Dieu même, lui seul en étant l’objet comme la cause ; et par cette vision bienheureuse, il produira un éternel et insatiable amour, qui ne sera encore autre chose en un certain sens que Dieu même vu et possédé ; et Dieu sera tout en tous, et il sera tout en nous-mêmes, un seul Dieu uni à notre fond, se produisant en nous par la vision, et se consommant en un avec nous par un éternel et parfait amour. Alors s’accomplira notre parfaite unité en nous-mêmes et avec tout ce qui possédera Dieu avec nous ; et ce qui nous fera tous parfaitement un, c’est que nous serons, et nous verrons, et nous aimerons ; et tout cela sera en nous tous une seule et même vie. » (Bossuet, Élévation à Dieu.)