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LIVRE NEUVIÈME.

sement ou l’enthousiasme (ἁρπασθεὶς ἣ ἐνθουσιάσας (harpastheis hê enthousiasas)), tranquille et solitaire avec Dieu, il jouissait d’un calme imperturbable ; renfermé dans sa propre essence, il n’inclinait d’aucun côté, il ne se tournait même pas vers lui-même, il était enfin dans une stabilité parfaite, il était en quelque sorte devenu la stabilité même.

Dans cet état, en effet, l’âme ne s’occupe plus même des belles choses : elle s’élève au-dessus du Beau, elle dépasse le chœur des vertus[1]. C’est ainsi que celui qui pénètre dans l’intérieur d’un sanctuaire laisse derrière lui les statues qui sont placées dans le temple ; ce sont les objets qui se présenteront ensuite les premiers à ses yeux à sa sortie du sanctuaire, après qu’il aura joui du spectacle intérieur, qu’il sera entré en communication intime (συνουσία (sunousia)), non avec une image ou une statue (car ce n’est qu’en sortant qu’il considérera les images et les statues), mais avec la Divinité. Le mot même de spectacle (θέαμα (theama)) ne paraît pas convenir ici [pour exprimer cette contemplation de l’âme] ; c’est plutôt une extase, une simplification, un abandon de soi, un désir de contact, une parfaite quiétude, enfin un souhait de se confondre avec ce que l’on contemple dans le sanctuaire[2]. Quiconque cherche à voir Dieu

  1. L’expression de chœur des vertus a été souvent employée par les Stoïciens pour montrer la liaison que les vertus ont entre elles.
  2. ἐϰστασις, ϰαὶ ἅπλωσις, ϰαὶ ἐπίδοσις αὑτοῦ, ϰαὶ ἔφεσις πρὸς ἁφὴν, ϰαὶ στάσις, ϰαὶ περινόησις πρὸς ἐφαρμογὴν, εἴπερ τις τὸ ἐν τῷ ἀδύτῳ θεάσεται (ekostasis, kai haplôsis, kai epidosis hautou, kai ephesis pros haphên, kai stasis kai perinoêsis pros epharmogên, eiper tis to en tô adutô theasetai). Pour faciliter l’intelligence de ces lignes, nous réunissons ici les divers passages où Plotin fait allusion aux mystères :

    « Si tu crois que tout est perçu par les sens, tu seras privé de Dieu. Tu ressembleras à ces hommes qui, dans les fêtes sacrées, se gorgent d’aliments dont on doit s’abstenir quand on s’approche des dieux, et qui, regardant cette jouissance comme plus certaine que la contemplation de la divinité dont on célèbre la fête, s’en vont sans avoir participé aux mystères.» (Enn. V, liv. V, § 11 ; t. III, p. 88.)