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LIVRE NEUVIÈME.

Avant d’obtenir la vision de Dieu, l’âme désire ce qui lui reste à voir : or, pour qui est monté au-dessus de toutes choses, ce qui reste à voir, c’est Celui-là même qui est au-dessus de toutes choses. En effet, la nature de l’âme n’ira jamais au non-être absolu ; en s’abaissant, elle tombera dans le mal, par conséquent, dans le non-être, mais non dans le non-être absolu. Si elle suit la route contraire, elle arrivera non à une chose différente, mais à elle-même. De ce qu’elle n’est alors dans aucune chose différente d’elle, il ne s’ensuit pas qu’elle ne soit dans aucune chose : elle est en elle-même. Or, celui qui est en lui-même, sans être dans l’Être, est nécessairement en Dieu. Il cesse alors lui-même d’être une essence, il devient supérieur à l’Essence en tant qu’il entre en communication avec Dieu. Or, celui qui se voit ainsi devenu Dieu a en lui-même une image de Dieu ; et s’il s’élève au-dessus de lui-même, s’il devient comme une image qui viendrait se confondre avec son modèle, il atteindra le terme de son ascension. Ensuite, quand il aura perdu la vue de Dieu, il pourra encore, réveillant la vertu qu’il a conservée en lui, et considérant les perfections qui ornent son âme, remonter à la région céleste, s’élever par la vertu à l’intelligence, et par la sagesse à Dieu même.

    plus sublimes de Platon et d’Aristote, parmi les philosophes, de Pindare, parmi les poëtes : « Heureux, disait Pindare, qui a vu les mystères d’Éleusis, avant d’être mis sous terre ! Il connaît les fins de la vie et le commencement donné de Dieu. » (Éd. Boissonade, Fragments, p. 293. Voy. M.  Villemain, Essais sur le génie de Pindare, p. 26.) L’idée exprimée dans ces vers de Pindare est développée par Plotin dans un beau passage qui se termine par ces lignes : « Avant de sortir de la vie, l’homme sage connaît quel séjour l’attend nécessairement, et l’espérance d’habiter un jour avec les dieux vient remplir sa vie de bonheur. » (Enn. IV, liv. IV, § 45 ; t. II, p. 405.) Plotin dit encore ailleurs : « C’est donc avec sagesse qu’on enseigne dans les mystères que l’homme qui n’aura pas été purifié séjournera, dans les enfers, au fond d’un bourbier. » (Enn. I, liv. VI, § 6 ; t. I, p. 107.)