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SIXIÈME ENNÉADE.

d’une autre manière ne saurait jouir de sa présence. Par l’emploi de ces figures mystérieuses, les sages prophètes veulent indiquer comment on voit Dieu. Mais le sage hiérophante, pénétrant le mystère, peut, une fois qu’il est arrivé là, jouir de la vue véritable de ce qui est dans le sanctuaire. S’il n’est pas encore arrivé là, il conçoit du moins que ce qui est dans le sanctuaire est une chose invisible [pour les yeux du corps], que c’est la source et le principe de tout, et il le connaît ainsi comme le principe par excellence ; [mais quand il a pénétré dans le sanctuaire], il voit le principe, il entre en communication avec lui, il unit le semblable au semblable, ne laissant de côté rien de ce que l’âme est capable de posséder des choses divines[1].

    « Dans les mystères, ceux qui sont admis à pénétrer au fond du sanctuaire, après s’être dépouillés, s’avancent complètement nus… La divinité reste cachée au fond du sanctuaire et ne se montre pas au dehors, pour ne pas être aperçue des profanes. » (Enn. I, liv. VI, § 7 et 8 ; t. I, p. 108 et 110.)

    « Invoquons d’abord Dieu même, non en prononçant des paroles, mais en élevant notre âme jusqu’à lui par la prière ; or la seule manière de le prier, c’est de nous avancer solitairement vers l’Un qui est solitaire. Pour contempler l’Un, il faut se recueillir dans son for intérieur, comme dans un temple, et y demeurer tranquille, en extase ; puis considérer les statues qui sont pour ainsi dire placées dehors [l’Âme et l’Intelligence], et avant tout la statue qui brille au premier rang [l’Un], en le contemplant de la manière que sa nature l’exige. » (Enn. V, liv. I, § 6 ; t. III, p. 13.)

    « Toutes les essences sont dans le monde intelligible comme autant de statues qui sont visibles par elles-mêmes, dont le spectacle donne aux spectateurs une ineffable félicité. » (Enn. V, liv. VIII, § 4 ; t. III, p. 115.)

    Enfin, Plotin dit ci-dessus (p. 562, au commencement du § 11) : « Comme ce qui est divin est ineffable, on prescrit de n’en point parler à celui qui n’a pas eu le bonheur de le voir. »

  1. Ce magnifique morceau de Plotin est assurément ce que l’antiquité nous a laissé de plus beau sur les vérités religieuses enseignées dans les mystères d’Éleusis. Il semble inspiré par les conceptions les