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LIVRE PREMIER.


Elle se rattache et se lie à l’étude de l’objet que nous désirons connaître : car c’est l’âme qui cherche à connaître cet objet ; or elle doit examiner d’abord sa propre nature pour savoir si elle a la faculté de contempler Dieu, s’il lui convient de l’étudier et si elle peut espérer de voir ses recherches couronnées de succès. En effet, si l’âme est étrangère aux choses divines, pourquoi tenter d’en pénétrer la nature ? Si au contraire elle a une étroite affinité avec elles, elle peut et elle doit chercher à les connaître.

II. Voici la première réflexion que toute âme doit faire[1] : c’est l’Âme universelle qui a produit, en leur soufflant un esprit de vie[2], tous les animaux qui sont sur la terre, dans l’air et dans la mer, ainsi que les astres divins, le soleil et le ciel immense ; c’est elle qui a donné au ciel sa forme et qui préside à ses révolutions régulières, et tout cela sans se mêler aux êtres auxquels elle communique la forme, le mouvement et la vie. Elle leur est en effet fort supérieure par son auguste nature : tandis que ceux-ci naissent ou meurent selon qu’elle leur donne la vie ou la leur retire, l’Âme est essence et vie éternelle, parce qu’elle ne saurait cesser d’être elle-même. Mais comment la vie se répand-elle à la fois dans l’univers et dans chaque individu ? Afin de le comprendre, il faut que l’âme contemple l’Âme universelle : or, pour s’élever à cette contemplation, l’âme doit en être digne par sa noblesse, s’être affranchie de

  1. Ce beau morceau de Plotin doit être rapproché d’un passage analogue qui se trouve dans l’Ennéade II, liv. ii, § 3 ; t. II, p. 27. Il est cité par saint Cyrille en ces termes : « Au lieu de l’Esprit-Saint, les philosophes grecs les plus illustres admettent comme troisième principe l’Âme, qui donne la vie à tous les animaux et ils lui attribuent toutes les puissances et les opérations de l’Esprit-Saint. Voici comment Plotin s’exprime à ce sujet, etc. » (Contre Julien, VIII, p. 275.)
  2. Les termes employés ici par Plotin : ἐμπνεύσασα αὐτοῖς ζωὴν (empneusasa autois zôên), rappellent l’expression de la Genèse, II, 7 : ἐνέφυσεν εἰς τὸ πρόσωπον αύτοῦ πνοὴν ζωῆς. (enephusen eis prosôpon autou pnoên zôês). Voy., t. II, p. 297, note 1.