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CINQUIÈME ENNÉADE.


élevons nos regards vers elle. La sensation est notre messager, et l’intelligence notre roi[1].

IV. Nous sommes nous-mêmes rois quand nous pensons conformément à l’intelligence. Or cela peut avoir lieu de deux manières : ou bien nous avons reçu de l’intelligence des impressions et des règles qui sont pour ainsi dire gravées en nous, nous sommes remplis en quelque sorte par l’intelligence ; ou bien nous pouvons en avoir la perception et l’intuition par ce qu’elle nous est présente[2]. En la voyant, nous connaissons que par sa contemplation nous saisissons nous-mêmes les autres choses intelligibles, soit parce que nous saisissons la puissance qui connaît les intelligibles, à l’aide de cette puissance même, soit parce que nous deve-

  1. Cette phrase est citée par Proclus : « L’intelligence est notre roi, et la sensation notre messager, comme le dit le grand Plotin. » (Commentaire sur le Timée, p. 77.) La même comparaison se retrouve aussi dans le passage suivant d’Olympiodore : « Nous ne pensons pas avec les Péripatéticiens que la sensibilité est le principe de la science : car jamais l’inférieur n’est principe ou cause du supérieur. S’il faut suivre les explications vulgaires et dire que la sensibilité est le principe de la science, nous accorderons qu’elle en est le principe, non pas comme cause efficiente, mais comme simple occasion. La sensibilité est semblable à un messager ou à un héraut ; son rôle est d’exciter l’esprit à produire la science. » (Comm. sur le Phédon, dans les Fragments de Philosophie ancienne de M. Cousin, p.404.)
  2. Le P. Thomassin commente ce passage en ces termes : « Hinc mens quasi separata a Plotino describitur. Tota enim sibi et intelligibilibus vacat, a reliquis omnibus feriata, rationem rerum gubernatricem irradians, sed a beato contemplandi otio nec ad punctum quidem temporis deficiens… Hinc, quia anima menti, seu ratio intellectui semper religata adhærescit, ejusque formarum radiis imbuitur, quidquid in temporalibus agit, utcunque æterna contemplando agit. Agit enim discurrendo, nec nisi a mentis immutabilibus regulis exorsa et manu ducta recte discurrit. Quæcunque ergo agit, et si ipsa se in seipsam retorquendo minus advertat, ea sempiternarum idearum contemplamina quædam sunt et imitamina. » (Dogmata theologica, t. I, p. 20.)