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DES ENFANTS

une faute, ou du moins de se calmer incontinent si l’on s’est laissé aller à la colère ; car mieux vaut l’impatience que la rancune chez un père ; et persister dans son mécontentement, dans son inflexibilité, c’est prouver d’une façon très significative qu’on n’aime pas son enfant. Il est bon de paraître ignorer certaines fautes, d’y apporter cet affaiblissement la vue et des yeux qui survient dans la vieillesse, de manière à ce que nous voyions, que nous entendions telles et telles choses sans les voir et sans les entendre. Nous tolérons bien les défauts de nos amis : y aura-t-il lieu de s’étonner que nous supportions ceux de nos enfants ? Souvent aussi, lorsque des esclaves s’étaient enivrés, nous ne leur avons pas reproché leurs turpitudes. Ainsi donc, de même que parfois vous avez resserré les cordons de la bourse, sachez en d’autres occasions fournir aux dépenses. Vous vous êtes emporté quelquefois ; quelquefois pardonnez aussi. Votre fils vous a joué tel jour, de connivence avec un domestique ; contenez votre colère. Tel autre jour il a enlevé dans un champ une paire de bœufs, il est rentré aujourd’hui exhalant une odeur de vin bu la veille ; ignorez-le. Demain il sera tout imprégné de parfums ; ne dites mot. C’est ainsi que, semblable au poulain qui bondit, la jeunesse finit par être domptée.

[19] Ceux qui n’ont pas la force de se défendre des appétits charnels et qui sont indociles aux réprimandes, doivent être, autant que possible, enchaînés par le mariage. Pour la jeunesse il n’est pas de lien plus sûr. On choisira pour ses fils des femmes qui ne soient ni trop nobles, ni trop riches.

Vise la quille à ta portée[1]

est un précepte sage. Choisir beaucoup au-dessus de soi, ce n’est plus être le mari de la femme : c’est devenir, à son insu, l’esclave de la dot.

[20] Quelques mots encore, et j’aurai parcouru le cercle

  1. Ce proverbe est emprunté au jeude la toupie. Nous avons substitué la quille, afin de pouvoir donner à la citation la forme d’un vers, comme elle l’a dans le Grec.