Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
28
SUR L’ÉDUCATION

aux jeunes gens des créatures de mauvaise vie, jusqu’à leur amener des femmes mariées[1] ; et ils les aident à voler, à piller les épargnes qui devaient être une ressource pour la vieillesse de leurs pères. Race infâme, qui joue l’amitié et n’a jamais goûté à la franchise ; qui flatte les riches et méprise les pauvres ; qui marche à la ruine de la jeunesse avec l’habileté que des musiciens déploieraient pour exécuter un morceau d’ensemble ! Ils ouvrent une large bouche quand ceux qui les nourrissent se mettent à rire. Espèce de superfétations et d’excroissances vicieuses adhérentes à l’existence des riches, les flatteurs vivent et se règlent sur le geste d’autrui. La fortune les avait faits hommes libres, mais par choix ils sont esclaves. Si l’on n’est pas insolent avec eux, ils croient qu’on les humilie parce qu’on les nourrit inutilement. Aussi, tout père qui prend à cœur de bien élever ses enfants doit bannir loin d’eux cette détestable engeance. Il faut chasser pareillement les compagnons d’étude qui sont vicieux car je les donne pour capables de pervertir les naturels les plus honnêtes.

18. Ce sont là des considérations importantes et empreintes en même temps d’une belle morale. Celles qui suivent sont à la portée de l’humaine faiblesse. Je ne suis pas non plus, en effet, d’avis que les pères se montrent âpres et intraitables. Il est nécessaire que souvent ils passent à un jeune homme quelques-unes de ses fautes, se rappelant qu’eux aussi ils furent jeunes. Et, de même que les médecins mêlent aux remèdes trop amers des substances plus douces, afin que l’agréable aide à faire passer l’utile, de même les pères doivent à la sévérité des réprimandes allier l’indulgence. Quelquefois il est profitable de lâcher et d’abandonner la bride aux fantaisies des jeunes gens, comme, au contraire, il faut quelquefois la retenir. Il importe surtout de leur montrer beaucoup de sang-froid quand ils ont commis

  1. Amyot traduit autrement tout ceci : « … lui amènera quelque prostituée et lui donnera à entendre qu’elle sera sa femme. » Puis il met en note : « Les autres lisent : et lui produira sa femme. » Nous adoptons un troisième sens où nous nous rencontrons avec Ricard.