Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/193

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pour des flatteurs : l'abjection de leur caractère se trahit au premier plat, après le premier verre, par quelque bouffonnerie et quelque indécence. Car il n'y aurait certes pas besoin de signaler ce qu'il y a de détestable dans cette parole de Mélanthius, parasite d'Alexandre de Phères. On lui demandait comment Alexandre avait été tué : «Par un coup d'épée, répondit-il, qu'il a reçu dans le flanc et qui était à l'adresse de mon ventre». Rien, encore, n'est plus odieux que ces êtres rangés en cercle autour d'une table opulente que ni le feu, ni le fer, ni l'airain, n'empêcheraient de se rendre là où l'on dîne ; rien de plus odieux que ces femmes nommées à Chypre les Colacides, qui après être passées en Syrie, furent appelées Climacides, parce qu'elles se courbaient à quatre pieds devant les femmes du roi, et leur servaient d'échelons quand celles-ci montaient en char.

[4] Contre quel flatteur faut-il donc se mettre en garde? Contre celui qui ne semble pas et n'avoue pas en être un ; contre celui qu'on ne saurait surprendre rôdant autour de la cuisine, ou mesurant l'ombre pour calculer l'heure du dîner; qui ne tombe pas ivre mort à la première occasion. Le flatteur dangereux est le plus souvent à jeun; il sait se rendre important; il croit devoir s'associer aux affaires du maître, il veut être initié à ses secrets; il prend tout à fait au tragique le rôle qu'il joue, et ne songe pas à se rapprocher du satyre, du comédien ou du bouffon. Car comme Platon dit que l'extrême injustice c'est de paraître juste et de ne l'être point, de même on doit penser que la flatterie pernicieuse est celle qui se cache et ne s'avoue pas, celle qui est non pas plaisante, mais sérieuse; car elle va jusqu'à rendre suspecte la véritable amitié elle-même, avec qui souvent elle se rencontre en plusieurs points si l'on n'y prend