Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/192

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choses humaines a répandu de l'éclat, de la douceur, de la tendresse partout où elle signale sa présence et ses sympathies. Du reste, comment le flatteur s'insinuerait-il par le moyen du plaisir, s'il voyait que l'amitié n'admette jamais l'agréable près d'elle? Cela ne pourrait s'expliquer. Mais de même que les vases de faux or et d'un métal sans valeur imitent seulement l'éclat et le brillant de l'or, de même le flatteur, prenant toujours l'air gracieux et gai de l'ami véritable, a constamment soin de se montrer joyeux, épanoui : il ne s'oppose à rien, il ne contredit jamais. C'est pourquoi nous ne devons pas tout d'abord et sans réserve soupçonner de flatterie ceux qui nous adressent des éloges : car louer à propos ne convient pas moins en amitié qu'adresser à propos des reproches; ou plutôt, à être constamment chagrin et grondeur on fait voir que l'on ne ressent pas d'amitié et que l'on est peu sociable. Mais quand la bienveillance décerne avec libéralité et empressement les éloges dus aux belles actions, de cette même bouche bienveillante on supporte légèrement et sans amertume les reproches et les avertissements pleins de franchise : on y a confiance, on les prend en bonne part ; et l'on estime que celui-là blâme à son corps défendant, qui a loué avec tant de satisfaction.

[3] D'après cela, dira quelqu'un, il est difficile de distinguer le flatteur de l'ami, s'il n'y a entre eux de différence ni par le plaisir ni par la louange que l'on reçoit d'eux; car dans les complaisances et les menus services on peut voir que souvent la flatterie prend les devants sur l'amitié. Pourquoi ne pas convenir de cette difficulté ? répondrons-nous : car enfin nous poursuivons ici le véritable flatteur, celui qui exerce son métier avec talent, en homme habile, et nous ne prétendons pas parler, comme le font beaucoup d'autres, de ces gens appelés pique-assiettes et parasites, dont on n'entend la voix, disait quelqu'un, qu'après l'ablution des mains. Ce ne sont pas ces derniers que nous prenons