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Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/197

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il passe à une seconde. C'est de l'eau qu'on transvase et qui prend chaque fois les contours et la forme des vaisseaux qui la reçoivent. Le singe, qui tâche de contrefaire l'homme, se laisse tout naturellement prendre quand il se remue et qu'il danse comme lui. Le flatteur, au contraire, trompe les autres et les attire à la pipée. Il n'imite pas toutes gens de la même manière. Il dansera et chantera avec les uns; avec les autres il luttera et se couvrira de poussière dans la lice. S'est-il attaché à un chasseur qui ne pense qu'à forcer le gibier; il suivra son homme en répétant presque l'exclamation de Phèdre : "Par les dieux ! Mon bonheur est de suivre une meute, De relancer les cerfs au pied léger ..." Ce n'est pas du tout l'animal qui, est son affaire; il veut prendre le chasseur lui-même et l'enlacer de ses filets. S'il s'est mis à la poursuite d'un jeune homme ami des lettres et de l'étude, aussitôt le voilà enfoncé dans les livres; il laisse descendre sa barbe jusqu'à ses pieds; son déguisement c'est de porter la longue robe d'étude, de se montrer indifférent à tout le reste et d'avoir sans cesse à la bouche et les nombres, et les rectangles, et les triangles de Platon. S'il lui est tombé, au contraire, sous la main un indolent qui aime à boire et qui soit riche: "Bientôt le sage Ulysse a quitté ses haillons" ; la longue robe est jetée à bas, la barbe est incontinent rasée comme une moisson stérile. Ce ne sont plus que vases à rafraîchir, que coupes, qu'éclats de rire au milieu des promenades, que mots plaisants lancés contre ceux qui philosophent. Ainsi arriva-t-il, dit-on, dans Syracuse quand Platon vint y séjourner et que Denys se passionna d'un zèle furieux pour la philosophie. Le palais était plein de poussière, à l'usage des milliers d'amateurs qui ne cessaient d'y tracer des figures géométriques. Mais quand Platon