Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/672

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jeune épouse sur un char, le roi Hippoclus, parent du mari, se trouvait là, avec les autres. Cédant à un mouvement d’ivresse et de gaieté, il s’élança sur le char, moins pour commettre une insulte, que pour faire une plaisanterie, comme c’était la coutume. Mais il fut tué par les amis de l’époux. La colère du Ciel contre les habitants de Chio ne tarda pas à se manifester ; et le Dieu commanda de faire périr ceux qui avaient donné la mort à Hippoclus. Il fut répondu que tous les habitants étaient coupables de ce meurtre. Le Dieu voulut donc que sans exception ils quittassent la ville, s’il était vrai que le crime fût commun ; et la proscription s’étendit, de cette manière, sur les auteurs mêmes du fait, sur ceux qui en avaient été complices, et sur ceux qui d’une façon ou d’une autre l’avaient approuvé. Or ils n’étaient ni en petit nombre ni les moins puissants. On les envoya s’établir à Leuconia, ville que ceux de Chio avaient précédemment conquise sur les Coronéens, et qu’ils possédaient en commun avec ceux d’Érythrée. Plus tard la guerre éclata entre eux et ces derniers. Comme les nouveaux venus n’étaient pas en état de résister aux attaques de ce peuple, le plus puissant de l’Ionie, ils consentirent, sur la foi d’un traité, à quitter la ville, emportant avec eux une seule chlamyde et un manteau, sans nulle autre chose. Leurs femmes les blâmèrent amèrement de ce qu’ils abandonnaient leurs armes pour sortir ainsi dépouillés, au milieu des ennemis. Comme ils répétaient que leur serment les avait liés, elles leur conseillèrent de ne pas se dessaisir de leurs armes, et de dire aux Érythréens que la tunique d’un homme de cœur, c’est sa lance, et que son manteau, c’est son bouclier. Les maris se laissèrent persuader, parlèrent fermement et montrèrent leurs armes avec une attitude résolue qui intimida les Érythréens. Aucun de ceux-ci ne s’avança pour les retenir, et l’on se trouva trop heureux de voir qu’ils partaient. Ainsi les habitants de Chio durent leur salut à la leçon de courage qu’ils avaient reçue de leurs femmes. Un trait qui ne le cède en rien au précédent pour la vaillance honora également, mais beaucoup plus tard, les femmes