Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/686

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MICCA ET MEGISTO.

Aristotime, ayant usurpé le souverain pouvoir en Élide, devait sa force au roi Antigonus ; mais il usait de l’autorité sans douceur et sans modération. Naturellement féroce par lui-même, la crainte le rendait, en outre, l’esclave des Barbares de toute espèce à qui il avait confié la garde de sa personne et de sa puissance. Quelque nombreux que fussent les outrages et les mauvais traitements exercés par cette soldatesque contre les citoyens, il était insensible à leurs maux. Telle fut, entre autres, la malheureuse aventure de Philodème. Cet Éléen avait une fille merveilleusement belle, nommée Micca, sur qui Lucius, un des officiers étrangers que soldait le Tyran, jeta ses vues plutôt par brutalité que par amour. Il envoie dire qu’il veut parler à Micca, et les parents de la jeune fille, en présence de la nécessité, la contraignent de se rendre à cet appel. Comme c’était une enfant généreuse et magnanime, elle se jeta au cou de son père et le supplia, avec les plus grandes instances, de souffrir qu’elle mourût plutôt que de perdre honteusement sa virginité par un crime. Cette scène avait causé un retard. Lucius, qui était en train de boire, enivré de débauche et de vin s’élance lui même hors de son logis avec fureur. Il trouve Micca ayant la tête dans les genoux de son père. Il lui enjoint de le suivre ; elle s’y refuse. Il lui déchire sa robe et la fouette toute nue, mais sans que la douleur arrache un seul cri à l’héroïque jeune fille. Le père et la mère, ne pouvant rien obtenir par leurs supplications et leurs larmes, n’avaient plus qu’à protester, en implorant les dieux et les hommes, contre d’aussi horribles et indignes traitements ; mais le Barbare, tout à fait égaré par la colère et par l’ivresse, égorge la jeune fille, dans l’état même où elle se trouve là, le visage appuyé sur le sein de son père, Le Tyran, loin d’être ému d’un pareil attentat, fit mettre à mort un grand nombre de citoyens et en bannit encore davantage. Il s’en réfugia, dit-on, huit cents chez les Étoliens, et ils supplièrent ceux-ci de retirer pour eux leurs petits enfants