Aller au contenu

Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/705

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

TIMOCLÉE.

Théagène le Thébain, animé pour les intérêts de sa patrie des mêmes sentiments qu’Epaminondas, que Pelopidas, que les plus braves citoyens, échoua contre la fatalité qui accabla la Grèce entière à Chéronée. Il succomba au moment où, déjà victorieux, il poursuivait l’ennemi l’épée dans les reins. Ce fut même à lui qu’un des fuyards criait : « Jusqu’où nous poursuivras-tu ? » et Théagène lui répondit : « Jusqu’aux frontières de la Macédoine ». En mourant il laissait une sœur, dont le mérite suffisait pour attester que le frère n’avait pas été plus grand et plus illustre par ses vertus personnelles que par un courage tout héréditaire. Du reste elle recueillit elle-même les fruits de sa propre vertu, qui la mit en état de supporter plus légèrement sa part de toutes les calamités communes. Alexandre avait pris Thèbes. Ses soldats s’étaient répandus dans les différents quartiers de la ville pour s’y livrer au pillage. Le chef qui avait fait main basse sur la maison de Timoclée, se trouva être un homme étranger à toute douceur, à tout sentiment humain, et brutal jusqu’à la stupidité. Il commandait un bataillon de Thraces, et il s’appelait comme le roi, à qui, du reste, il ne ressemblait en rien[1]. En effet, incapable de concevoir du respect pour la naissance et la conduite de Timoclée, il la fit venir après le repas quand il se fut gorgé de vin, et il voulut qu’elle couchât avec lui. Ce ne fut pas la fin. Il se mit, en outre, à la re cherche de l’or et de l’argent qu’il supposait avoir été cachés par elle ; et à ce sujet tantôt il l’accablait de menaces, tantôt il lui promettait de l’élever tout à fait au rang de son épouse. Timoclée saisit l’occasion qu’il lui présentait ainsi. « J’aurais dû », lui dit-elle, « mourir avant cette nuit fatale, pour conserver du moins, quand j’avais tout perdu, mon corps exempt d’outrages. Mais puisque le sacrifice est ainsi consommé, puisqu’il me faut voir en vous un protecteur, un maître, un époux que m’impose le Ciel, je ne

  1. Toute cette dernière phrase incidente manque dans la traduction d’Amyot.