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Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/706

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vous priverai pas de ce qui vous appartient : car je ne le vois que trop, je suis devenue tout ce qu’il vous plaira a que je sois. Je possédais de riches atours, de la vaisselle d’argent, de l’or et des sommes considérables. Mais la ville une fois prise, je chargeai mes servantes de faire de toute cette fortune un seul monceau, que j’ai jeté, ou plutôt déposé, dans un puits qui se trouve à sec. Il n’y a pas beaucoup de personnes qui le sachent, attendu que ce puits a un couvercle, et qu’il est entouré d’un taillis très ombragé. Puissent ces trésors, quand vous les aurez pris, assurer votre bonheur ! Ce seront du moins à vos yeux des témoignages qui vous feront connaître la prospérité et l’opulence dont jouissait notre maison. » Ayant entendu ces paroles le Macédonien n’attendit même pas qu’il fût jour, et se dirigea incontinent vers ce lieu, Timothée marchant devant lui. Il ordonne de fermer le jardin pour n’éveiller l’attention de personne ; et, vêtu de sa seule tunique, il descend dans le puits. C’était Clotho, la redoutable vengeresse, qui l’y conduisait, sous les traits de Timoclée restée à la surface du sol. Quand elle sentit, à l’intonation de la voix, qu’il était arrivé jusqu’au fond, elle fit pleuvoir, pour sa part, une grèle de pierres. De leur côté ses servantes y en apportèrent, en les roulant, un grand nombre de plus lourdes, et cela jusqu’à ce qu’elles l’eussent mis en pièces et enseveli sous cet amas. Les Macédoniens informés de l’aventure retirèrent le corps ; et comme un décret antérieur ordonnait de ne plus faire périr aucun Thébain, ils arrêtèrent Timoclée, et la conduisirent devant le prince, à qui fut conté cet acte audacieux. Alexandre voyant la fermeté de son regard et la gravité de sa démarche, jugea tout aussitôt de sa dignité et de son courage. Il lui demanda d’abord quelle était sa condition de femme. Mais elle, sans témoigner la moindre émotion et d’un air résolu : « J’avais pour frère, » lui dit-elle, « Théagène qui commandait à Chéronée, et qui périt en combattant contre vous autres pour défendre l’indépendance des Grecs et nous préserver des horreurs que nous subissons. Mais puisque nous sommes