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Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/710

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vivement pressés par les Etrusques, lorsque ceux- ci voulaient rétablir sur son trône Tarquin le Superbe. Dans cette expédition, qui fut d’assez longue durée, Aristodėme mit tout en œuvre pour être agréable à ceux de ses concitoyens qui formaient son corps de troupes. Bien plus jaloux de flatter les passions populaires que de justifier son titre de général, il leur persuada de se porter avec lui contre le Sénat[1] et de chasser de la ville les meilleurs et les plus puissants. Devenu maître du pouvoir à la suite d’un tel coup, il se surpassa lui-même en scélératesse par les indignités qu’il exerça contre des femmes et des enfants de condition libre. En effet on rapporte qu’il habituait les garçons à laisser croître leurs cheveux, à porter des parures en or ; que les filles, au contraire, étaient forcées de se faire raser la tête en rond, d’avoir des chlamydes de jeunes garçons et de petites tuniques écourtées[2]. Quoi qu’il en soit, il s’éprit tout particulièrement de Xénocrite, dont le père était exilé, et il la posséda. Il aurait pu rappeler le père et obtenir son consentement. Mais il pensa que la jeune fille serait trop contente d’être à lui, n’importe à quel titre, du moment qu’elle verrait toute la ville envier le sort qu’elle avait et l’estimer bien heureuse. Cependant une telle condition ne la frappa point de vertige. Honteuse de vivre avec un homme à qui elle n’avait été ni mariée ni fiancée, elle ne désirait pas moins que les ennemis de l’usurpateur l’affranchissement de son pays. Il arriva dans ces conjonctures, qu’Aristodème faisait creuser tout autour de la ville un vaste fossé, travail qui n’était ni nécessaire ni utile. Il voulait sans nul motif[3] vexer ses concitoyens, les accabler de fatigues et ne leur laisser aucune trêve. Chacun avait une certaine quantité de terre à transporter tous les jours. Une femme[4] qui travaillait comme les autres voyant Aristodème venir de son côté, détourna la tête et se cacha le visage avec sa tunique. Quand il fut parti les jeunes gens

  1. Amyot ajoute : « quand ils seroient de retour. »
  2. Amyot : « des sayes sans manches. »
  3. Nous donnons ici une valeur réelle à l’adverbe άλλωζ
  4. Par suite d’une lacune qui existe dans le grec, le nom de cette femme n’est pas exprimé, et Amyot suppose que c’est Xénocrite. La fin de l’histoire prouve clairement que ce n’est pas d’elle qu’il s’agit à cet endroit.