Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ces matières, et je m’abstiendrai de tout développement ultérieur. Lycurgue, le législateur de Lacédémone, prit deux petits chiens nés du même père et de la même mère, et il ne les éleva pas du tout semblablement l’un et l’autre. Il rendit l’un gourmand et voleur, il habitua l’autre à suivre la piste et à chasser. Puis, un jour que les Lacédémoniens étaient réunis dans une même enceinte : « Lacédémoniens, dit-il, pour engendrer la vertu rien ne déploie une influence plus considérable que les habitudes, les exercices, les enseignements, la direction imprimée à la vie ; et c’est une vérité que je vais à l’instant vous démontrer de la façon la plus évidente. » Sur ce, ayant fait amener ses deux chiens, il les lâcha après avoir mis à leur portée et devant eux une assiette de viande et un lièvre. L’un s’élança à la poursuite du lièvre, l’autre se jeta sur l’assiette. Les Lacédémoniens ne savaient pas deviner encore sa pensée, ni dans quelle intention il leur avait montré les deux chiens. » Ils sont nés, continua Lycurgue, du même père et de la même mère ; mais comme ils ont reçu une éducation différente, l’un est devenu gourmand, et l’autre, chasseur. » Relativement aux habitudes et au genre de vie, nous en avons dit assez.

[5] Vient maintenant la question de la nourriture. Il faut, selon moi, que les mères elles-mêmes nourrissent leurs enfants et leur présentent le sein ; car elles allaiteront avec plus d’amour, avec plus de sollicitude, puisque leur tendresse pour leurs enfants part du cœur et, comme on dit, du fond même de leurs entrailles. Les nourrices et les gouvernantes n’ont qu’une tendresse de convention, une tendresse factice, attendu qu’elle est toute mercenaire. La nature démontre elle-même que les mères doivent allaiter et nourrir les petites créatures qu’elles ont mises au monde. C’est dans ce but qu’à tout animal qui a enfanté elle a fourni le lait dont doit être alimentée la progéniture. C’est encore par une sage prévoyance qu’elle a donné des mamelles doubles aux femmes, afin que si elles ont deux jumeaux elles aient deux sources de nourriture. Indépendamment de ces raisons, les mères deviendront plus affectueuses et plus tendres pour