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DES ENFANTS.

comme en agriculture on s’approvisionne d’outils ; car, de la même manière, les outils de la science ce sont les livres ; et l’on a occasion de reconnaître que l’instruction en découle[1] comme d’une source.

11. Il est utile aussi de ne pas négliger les luttes du corps. Qu’on envoie les enfants chez le gymnaste ; qu’ils s’y fatiguent aux exercices, autant qu’il le faut pour acquérir à la fois la grâce des mouvements et la vigueur. Les assises d’une belle vieillesse, c’est la bonne constitution physique préparée dès l’enfance. De même que quand le temps est calme il faut tout disposer en prévision de la tempête, de même l’on doit, par la régularité et la tempérance du jeune âge, se réserver des ressources pour la vieillesse. Toutefois il faut ménager la fatigue physique des enfants, de manière à ne pas les épuiser et à ne pas les rendre incapables de s’occuper de leur instruction. Car, suivant Platon[2], « sommeils et fatigues sont les ennemis des sciences ». Mais pourquoi ces digressions ? Hâtons-nous d’exposer ce qui résume le plus succinctement tout ce que j’ai dit. Il faut exercer les enfants aux combats militaires, les briser au maniement du javelot, de la flèche, à la chasse des bêtes sauvages : car dans les combats les biens des vaincus sont des prix offerts aux vainqueurs. La guerre ne s’accommode pas de la constitution de corps qui aient végété à l’ombre ; au contraire, un seul soldat fluet et maigre, habitué aux luttes stratégiques, culbute des phalanges d’athlètes étrangers à la guerre[3].

Mais quoi ! dira ici quelqu’un : vous avez promis de donner des conseils touchant l’éducation des enfants de condition libre, et voilà que, négligeant d’une façon visible celle des enfants du peuple et de la classe pauvre, vous persistez à n’adresser vos préceptes qu’aux fils des riches. À cette objection la réponse n’est pas difficile. Je voudrais de grand cœur que mes instructions fussent utiles à tous, sans excepter qui que ce soit ; mais si quelques-uns, par insuffisance

  1. Avec Brotier et Vauvilliers, nous lisons ῥεῖν au lieu de τηρεῖν.
  2. Républ. VII, XVI.
  3. Nous adoptons la très-ingénieuse variante ἀπολέμων. Toute cette dernière phrase : « au contraire un seul, etc. », est mise en vers par Amyot.