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SUR L’ÉDUCATION

d’obéir aux magistrats, de chérir ses amis, d’être sage et réservé avec sa femme, tendre avec ses enfants, exempt d’insolence avec ses esclaves, et, ce qui est le plus important, de ne se laisser ni enivrer par la prospérité, ni abattre par le malheur, de n’être ni dissolu dans ses plaisirs, ni emporté dans la colère jusqu’à devenir une bête furieuse. Voilà, de tous les privilèges que constitue la philosophie, ceux que je regarde comme les plus précieux, En effet, jouir noblement de la bonne fortune est naturel à une âme bien née, mais en jouir sans exciter l’envie c’est le propre d’un homme qui sait se modérer. Pouvoir par la raison triompher des plaisirs appartient aux sages, mais dominer sa colère n’est pas donné au premier venu. Je regarde comme accomplis les hommes qui sont capables d’allier les talents politiques à la philosophie et de les réunir en eux ; et j’estime qu’ils ont atteint à la possession de deux avantages très grands : leur existence est à la fois utile à leur patrie, grâce à leurs talents administratifs, et pleine de calme et de sérénité, grâce à leur pratique de la philosophie. Il y a, en effet, trois espèces de vies : la vie d’action, la vie contemplative, et la vie de jouissances. Celui qui se livre aux plaisirs au point d’en être l’esclave, montre une âme abjecte et bestiale. L’homme absorbé dans la pratique des affaires sans posséder la philosophie, manque de culture et commet beaucoup de fautes. Le contemplateur, qui n’entend rien à la politique, n’est d’aucune utilité. Il faut donc vaquer, autant que possible, au soin des affaires de l’État et tout ensemble pratiquer la philosophie selon la mesure que permettent les circonstances. Ainsi entendaient la vie publique Périclès, Archytas de Tarente, Dion de Syracuse, Epaminondas de Thèbes ; et ces deux derniers[1] étaient des familiers de Platon. Touchant l’instruction, je n’ai rien, que je sache, à ajouter de plus.

Mais, outre ce que j’ai dit, il sera utile ou plutôt indispensable de ne pas apporter, non plus, de l’indifférence à l’acquisition d’écrits anciens. Il faut même en faire des recueils,

  1. Texte fort douteux.