découragés ; et d’ailleurs[1], accablés par l’excès de la fatigue, ils ne reçoivent plus l’instruction avec docilité. Eh bien, comme les végétaux se développent si on les arrose modérément, mais que trop d’eau les étouffe, de même l'esprit s'accroît par des études mesurées, mais il est comme noyé sous des travaux excessifs. Il faut donc qu’on laisse les enfants reprendre haleine, loin de les occuper sans relâche. Que l'on y réfléchisse : toute l’existence est une alternative de repos et de travail ; et c’est dans ce but que non-seulement l’état de veille, mais encore le sommeil a été institué par le Créateur[2]. Il n’y a pas uniquement guerre : il y a paix aussi ; non uniquement tempête, mais aussi calme ; non uniquement labeur actif, mais aussi jours fériés. Pour le dire en un mot, le repos est l’assaisonnement du travail. Et ce n’est pas chez les seuls êtres vivants que l’on voit cet effet se produire, c’est aussi dans les objets inanimés ; car nous relâchons les cordes des arcs et des lyres, afin de pouvoir les tendre de nouveau. D’une manière générale, la santé du corps s’entretient par une alternative de besoin et de satiété, celle de l’âme, par le relâche combiné avec le travail.
Il y a lieu de blâmer certains pères qui, après avoir confié leurs enfants à des précepteurs et à des maîtres, ne s’occupent absolument plus de voir ou d’entendre par eux-mêmes comment on les instruit. C’est un tort sans excuse. Il faut qu’à peu de jours d'intervalle les uns des autres ils s’assurent des progrès de leurs enfants, et qu’ils ne s’en reposent pas, pour ce qui concerne de s1 chères espérances, sur les dispositions d’instituteurs mercenaires. Et d’ailleurs, ceux-ci ne donneront que plus de soins à leurs élèves, quand ils auront à chaque instant des comptes à rendre. C’est ici le lieu d’appliquer le bon mot de l’écuyer : « rien n’engraisse aussi bien le cheval que l’œil du Roi[3] ».
Ce qu’il faut surtout exercer et fortifier par l'habitude chez les enfants, c’est la mémoire. Elle est comme le trésor
