Aller au contenu

Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 4, 1870.djvu/380

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
370
de la création de l’âme

gage de l’ironie : « Quoi ! lui dit-il, après avoir si souvent donné à la matière le nom de mère et de nourrice, vous la déclarez cause ! » Sans doute Platon donne à la matière ces noms de mère et de nourrice ; mais que désigne-t-il comme étant cause du mal ? Il désigne la force qui donne le mouvement à la matière, et qui se répartit sur les corps. Ce mouvement est sans ordre et sans raison, à la vérité, mais il n’est pas sans âme ; et dans ses Lois Platon, comme il a été dit, l’appelle « mouvement réfractaire et rebelle à l’âme, laquelle est le principe du bien ». Car si le mouvement a son principe et sa cause dans l’âme, l’entendement à son tour est la cause de la régularité et de l’harmonie avec laquelle s’opère le mouvement. Dieu n’a pas constitué une matière qui fût sans activité ; mais cette matière était livrée à l’action désorganisatrice d’une cause qui ne raisonnait pas. Ce n’est pas lui qui a donné à la nature les changements et les affections qu’elle devait éprouver ; mais comme ces changements et ces affections étaient aussi multipliés que confus, Dieu en fit disparaître l’indécision et le désordre, en employant à cela, comme de véritables instruments, l’harmonie, la proportion et le nombre. Or l’effet de ces sortes d’instruments consiste, non pas à susciter dans les substances, au moyen du changement et du mouvement, les affections et les vicissitudes de l’être changeant, mais plutôt à rendre ces substances fixes, stables, et à leur communiquer les affections de la substance qui est toujours la même et toujours semblable. Telle est là, du moins à mon avis, la pensée de Platon.

8. La première preuve que j’en donne, c’est que dès lors il n’existe plus rien de la prétendue contradiction, de la prétendue incompatibilité que l’on reproche à son système. On n’oserait pas, même à un sophiste égaré par les fumées du vin, (comment l’oser à l’égard de Platon ?) imputer un désordre et une confusion aussi étranges touchant une théorie qui a été l’objet des méditations les plus sérieuses de notre philosophe. Quoi ! il aurait prétendu que la même nature est à la fois incréée et engendrée ! Il aurait