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Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 4, 1870.djvu/381

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dans le timée.

dit dans le Phèdre : « L’âme ne saurait être créée », puis dans le Timée on lirait : « L’âme a été créée » ! Tout le monde, pour ainsi dire, a dans la bouche le passage de Phèdre qui prouve que par cela même qu’elle n’a pas été engendrée l’âme ne saurait périr, et que par cela même qu’elle tient d’elle-seule son mouvement elle n’a pas été engendrée. Voici comment s’exprime Timée[1] : « Parlons de l’âme. Bien que nous essayions de prouver maintenant qu’elle a paru la dernière, ce n’est pas une raison pour que Dieu ait voulu qu’elle fût plus jeune : car il n’aurait pas permis que dans l’association le plus jeune dominât le plus ancien. Mais quoi ! en raison de l’imprévu et du fortuit qui se rencontre à chaque instant dans notre vie, il s’en glisse également dans nos manières de parler. Dieu a voulu que l’âme, par sa génération non moins que par sa vertu, eût la priorité sur le corps, comme le souverain et le chef sur celui qui doit obéir. » Plus loin[2], après avoir dit : « L’âme, en roulant sur elle-même, a inauguré le commencement divin d’une vie qui ne finira jamais et qui est présidée par la raison », Platon ajoute : « Le corps du ciel a été fait visible, à la vérité ; mais invisible est restée l’âme, qui participe au raisonnement et à l’harmonie, l’âme, la plus excellente des substances qu’ait créées le plus excellent des êtres intelligibles et toujours subsistants. » Quand Platon appelle ici Dieu « le plus excellent des êtres toujours subsistants, » et l’âme a la plus excellente des substances créées », par cette différence et par ce contraste même il enlève à l’âme le caractère d’éternelle et d’incréée.

9. Et quel autre moyen de donner à ce passage sa véritable signification, sinon de faire usage du moyen proposé par Platon même à ceux qui voudront l’accepter ? Il tient pour incréée une âme qui avant la naissance du monde remuait toutes choses avec indifférence et sans régularité ; mais il déclare créée, et susceptible de l’avoir été, une âme que Dieu a faite de cette première âme, de cette

  1. Éd. Did. Vol. II, p. 207 ; Traduction de M. Cousin, Vol. XII, p. 125.
  2. Endroits cités, page 208 ; page 128.