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CONTRE COLOTÈS.

soleil, de la lune, des astres. Il raconte la création des hommes. Il ne reste muet sur aucune des questions capitales. C’est bien un Ancien, un homme consommé dans l’étude de la nature. Il s’attache à créer une doctrine qui lui soit propre, et non pas à ruiner celle d’un autre[1].

On le sait : Platon[2], et avant lui Socrate, avaient compris que dans la nature il y a des choses qui ne sont que du ressort de l’opinion, et d’autres qui sont l’objet de la pure intelligence. Les premières[3] ne sont qu’incertitude et qu’erreur. Sujettes à mille affections, à mille changements, elles s’amoindrissent ou s’augmentent, enfin se modifient diversement selon les divers esprits, et elles ne se révèlent pas toujours de la même manière à la même personne par le sentiment. Mais les choses qui sont de la pure intelligence ont un autre caractère :

Tout en est sain, complet, immuable, incréé,

comme a dit le maître[4]. Tout y est semblable à soi-même, et persévérant dans son existence. Eh bien, ces principes sont attaqués par Colotès à propos d’une expression. C’est sur les mots, non sur les choses, que porte sa critique. Il déclare nettement que Parménide détruit tout, parce que ce philosophe suppose que l’Univers est un. Or Parménide ne supprime ni l’une ni l’autre nature. À chacune il rend ce qui lui appartient : à la forme de « l’unité » et de « l’être » il rattache l’intelligence, comme éternelle et impérissable. C’est parce qu’elle est toujours semblable à elle-même, parce qu’elle n’admet pas de différence, qu’il lui a donné le nom d’unité. À l’égard des formes désordonnées et sans

  1. Ricard : « … une doctrine qui lui était propre, et qu’il n’avait pas empruntée d’ailleurs. » Il a pris ce contre-sens à la traduction d’Amyot. Ce dernier, paraphrasant, ajoute : « et n’a point fait de différence entre les communes et principales sentences. »
  2. Ricard substitue à ce nom celui de Parménide, parce qu’il a suivi avec Amyot un texte dont Wyttembach a réformé l’incorrection.
  3. Mot à mot : « Celles qui sont du ressort de l’opinion.
  4. Est-ce Platon ou Socrate ? Est-ce Empédocle ? C’est pour ce dernier que Ricard se prononce en précisant le nom.