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CONTRE COLOTÈS.

cesse mobiles, il tient aux sens et, pour établir la différence de ces deux natures il use d’un criterium qui lui est propre :

Par l’une notre esprit connaît la vérité,

parce qu’il s’attache à ce qui est intellectuel et par conséquent immuable ;

La seconde aime mieux suivre l’opinion,
Guide infidèle et faux,

qui ne se plaît que dans les changements de toute sorte, dans les passions du moment, et dans tout ce qui est susceptible de variation. Or comment Parménide aurait-il laissé subsister et le sentiment et l’opinion, quand il ne maintenait rien qui fût du ressort du sentiment et de l’opinion ? C’est ce qu’il serait impossible d’admettre. Mais comme à ce qui existe véritablement il convient de persister dans son être, tandis que les autres substances aujourd’hui existent et demain n’existent pas, se déplaçant toujours et changeant de nature, Parménide pensa que ces dernières avaient besoin d’être désignées par une autre appellation que ce qui existe de toute éternité. Ainsi donc, dire de ce qui est, qu’ « il est un », ce n’était pas supprimer la pluralité des êtres et les êtres sensibles, c’était montrer en quoi ils diffèrent des substances exclusivement intelligibles : différence que Platon a plus nettement encore établie dans son Traité des idées, donnant ainsi lui-même prise aux attaques de Colotès.

14. Aussi pensé-je devoir recueillir de suite ce que ce dernier dit contre Platon. Et d’abord examinons l’exactitude et la science profonde du philosophe[1]. Il dit que cette doctrine de Platon a été suivie par Aristote, Xénocrate, Théophraste et par tous les Péripatéticiens. Dans quelle contrée sauvage et non habitée vous trouviez-vous donc, quand vous avez écrit votre livre, pour que, en réunissant ces chefs d’accusation, vous n’ayez pas connu les traités de ces grands

  1. De Colotès.