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Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 4, 1870.djvu/625

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CONTRE COLOTÈS.

parlent leur langue d’une manière irréprochable, à ceux dont le vocabulaire est d’une pureté parfaite. On ne devait pas dire que Platon bouleverse tout, qu’il nous chasse de la vie, et l’on ne devait pas fonder cette accusation sur ce qu’il s’est servi, (comme les Épicuriens, du reste), des expressions « substances créées » et « substances qui n’ont pas d’être. »

17. Mais comme pour arriver à Parménide nous avions abandonné Socrate, il faut reprendre celui-ci. Voilà que Colotès passe par-dessus tout[1]. Après avoir dit que Chéréphon avait rapporté de Delphes l’oracle qui concernait Socrate, oracle que nous connaissons tous, Colotès ajoute : « Ce récit de Chéréphon étant empreint d’une insupportable arrogance de sophiste, nous nous abstiendrons de le reproduire ». Insupportable donc se trouve aussi Platon, (pour ne pas parler des autres) : car il a consigné cet oracle dans ses ouvrages ; plus insupportables, les Lacédémoniens : car ils gardent dans leurs anciennes archives l’oracle rendu en faveur de Lycurgue. C’était sans doute un conseil de sophiste[2], que celui par lequel Thémistocle détermina les Athéniens à quitter leur ville, et l’on sait la victoire navale qu’il remporta sur le Barbare. Insupportables encore étaient les législateurs de la Grèce : car ils instituèrent les plus importantes et les plus nombreuses de leurs cérémonies sacrées d’après les ordres de la Pythie. Mais lorsqu’il s’agit de Socrate, ce personnage animé pour la vertu d’un enthousiasme tout divin, si l’oracle qui le proclamait sage en vient à être considéré comme l’œuvre insupportable d’un sophiste, de quel nom, pour être justes, appellerons-nous vos frémissements, vos hurlements, vos applaudissements tumultueux ? Comment qualifierons-nous ces adorations, ces apothéoses, par lesquelles vous encouragez et glorifiez celui qui vous exhorte

  1. M. à m. « Voilà que Colotès dérange la pierre mise sur la ligne sacrée. » Allusion à un jeu des Grecs. Voir plus haut, p. 264, et vol. III, p. 590.
  2. Ricard : « ce fut encore par une vanité ridicule que Thémistocle, etc. » Cette traduction n’est pas du tout dans le sens du morceau. Amyot a parfaitement compris : « Aussi fut-ce une feinte sophistique que l’oracle, etc. »