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Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 4, 1870.djvu/626

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CONTRE COLOTÈS.

à jouir de voluptés continuelles et multipliées ? Oui : voici comment Épicure s’exprime dans sa lettre à Anaxarque : « Je prêche l’amour continuel des plaisirs et non pas la vertu, laquelle ne donne qu’une vaine et trompeuse espérance de résultats mêlés de troubles. Dans le même esprit Métrodore, adressant des conseils à Timarque, lui dit : « Ce sera compléter une vie sage par une œuvre de sagesse, que de nous consacrer à peu près exclusivement à la sympathie de nos goûts, et que de nous retirer de cette vie terrestre pour suivre les mystères, véritablement sacrés, d’Épicure. » Colotès lui-même, entendant ce dernier discourir sur certaines questions naturelles, tomba soudain à ses genoux. Voici comment le fait est consigné dans les ouvrages d’Épicure, qui le rapporte en s’en glorifiant : « Saisi d’une sorte de vénération religieuse pour ce que nous disions à ce moment, tu éprouvas tout à coup, ô Colotès, un désir surnaturel de te jeter à mes genoux, de les embrasser, et de te livrer à toutes les pratiques accoutumées de l’adoration, en me rendant les honneurs divins et en récitant les prières de circonstance. Il en résulta, continue Épicure, qu’à mon tour j’ai vu en toi un personnage sacré, et je t’ai rendu culte pour culte. » Bien pardonnables sont, par Jupiter, ceux qui disent qu’ils auraient donné tout au monde pour voir cette scène reproduite par un peintre dans un tableau. D’un côté aurait figuré Colotès tombant aux genoux d’Épicure et les embrassant, de l’autre, Épicure adressant à son tour des prières à Colotès et se prosternant à ses pieds. Toutefois ces hommages, bien que merveilleusement pratiqués par Colotès, n’ont pas eu les résultats dont ils étaient dignes : car il n’a pas été proclamé sage ; et le maître s’est contenté de lui dire : « Va ! Sois dérobé à l’anéantissement, et songe que moi aussi je suis impérissable. »

18. Telles sont les paroles, les manœuvres, les passions qu’ils ont sur la conscience, et ils traitent d’insupportable la conduite des autres ! Ce n’est pas tout. Après avoir, à propos des siens, avancé les sages et belles paroles que voici : « C’est du blé que nous mangeons, non pas du foin.