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Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 4, 1870.djvu/645

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CONTRE COLOTÈS.

temps se trouveront maintenues des doctrines qui nous invitent au plaisir ; lorsqu’on ne croira plus à une Providence divine ; lorsqu’on regardera comme sages ceux qui conspuent ce qu’il y a de beau du moment que ce beau n’est pas en compagnie de la volupté ; lorsqu’on se moquera et que l’on rira de pensées telles que celle-ci :

Il est une Justice, et son regard voit tout ;

comme cette autre :

Bien qu’il soit éloigné, Dieu voit tout de très-près,

et comme celle-ci : Dieu, ainsi que le suppose du reste la tradition antique, tient en ses mains le commencement, le milieu et la fin de toutes choses. Il marche en ligne droite dans la route de la nature. À sa suite s’avance la Justice, chargée de punir ceux qui s’écartent de la divine loi. Ceux qui méprisent ces belles pensées comme étant des fables, ceux qui placent le bonheur dans le ventre et dans les autres parties du corps destinées à être des organes pour la volupté, ceux-là ont besoin d’être retenus par des lois, par des craintes, par des châtiments. Il leur faut un roi, un chef, ayant en main la justice, pour que, dans leur voracité qu’augmente l’athéisme, ils ne dévorent pas leurs voisins. C’est là, en effet, l’existence des animaux. Ils ne savent rien qui soit plus beau que le plaisir. Ils n’ont aucune notion d’une justice divine, ils ne révèrent point la beauté de la vertu. Tout ce que la nature a mis en eux de hardiesse, de ruse, d’activité, ils s’en servent pour le plaisir de la chair et pour la satisfaction de leurs appétits. C’est ainsi que le sage Métrodore pense que l’on doit agir : « Toutes les belles, toutes les habiles, toutes les raffinées inventions de l’âme n’ont eu pour objet, dit Métrodore, que les plaisirs de la chair et l’espérance de ces plaisirs. Un ouvrage est vain, quand il ne tend pas à ce but. » Si de telles doctrines, si une semblable philosophie, viennent à prévaloir en même temps que les lois auront été supprimées, il ne nous manquera plus que les griffes des loups,