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Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 4, 1870.djvu/651

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CONTRE COLOTÈS.

et la vertu de ces législateurs[1]. Ainsi donc il y avait orgueil et excès d’orgueil, à vouloir qu’Athènes fût libre, que Sparte obéit à de bonnes lois, que les jeunes gens ne fussent pas trop hardis, et n’eussent pas d’enfants avec les courtisanes ; à proscrire la richesse, le luxe, le libertinage, pour faire régner les lois et la justice dans les villes ! Car c’est à cela qu’aspiraient les désirs de Solon. Puis, pour mettre le comble à l’outrage, Métrodore ajoute : « Aussi les choses iront-elles parfaitement bien, si l’homme libre éclate de son rire le plus franc au nez de tous ces réformateurs, de ces nouveaux Lycurgues, de ces nouveaux Solons. » Mais, ô Métrodore, ce prétendu railleur ne sera rien moins qu’un homme libre : il sera tout ce qu’il y aura de plus illibéral, de plus réfractaire. Contre un pareil être ce ne sera pas du fouet manié par un homme libre qu’il y aura besoin, mais de ces étrivières garnies d’osselets avec lesquelles dans les fêtes de Cybèle on châtie les eunuques surpris en faute.

34. Voulez-vous la preuve que ce n’est pas aux fondateurs de lois, mais aux lois mêmes qu’ils déclaraient la guerre ? Écoutez Épicure. Dans son livre intitulé Questions difficiles, il se demande à lui-même « si le sage fera une chose défendue par les lois, sachant qu’il ne sera pas découvert » ; et il répond : « Le bon moyen de résoudre cette question n’est pas de s’expliquer franchement. » Ce qui veut dire : « J’enfreindrai[2], mais je ne veux pas l’avouer. » Ailleurs, (c’est, je crois, dans une lettre à Idoménée), il fait cette recommandation : « de ne pas vivre esclave des lois et de l’opinion publique tant que l’on n’aura pas lieu, par suite du châtiment qui frappe un voisin, de se préoccuper des lois et de l’opinion. »

Si donc supprimer les lois et le gouvernement c’est supprimer la vie humaine, Épicure et Métrodore arrivent à ce résultat. En effet ils détournent leurs disciples de l’administration des affaires publiques, et ils veulent rendre odieux

  1. Amyot et Ricard entendent « qu’ils ont donné des préceptes de sagesse et de vertu. »
  2. Ricard suppose que c’est Épicure qui répond : « J’enfreindrai, etc. »