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Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 4, 1870.djvu/650

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CONTRE COLOTÈS.

sienne à l’esclavage. N’aurait-il pas fallu que le Nil cessât de produire la plante d’où est fait le papier, pour que les Épicuriens, s’ils avaient eu à revendiquer de pareils faits, renonçassent à toujours les écrire ? Et le plus fâcheux encore, ce n’est pas que dans un si grand nombre de philosophes les Épicuriens presque seuls, sans contribuer en rien pour leur part, profitent des avantages offerts à tous dans les villes. Mais, tandis que les auteurs tragiques et les comiques tâchent toujours de présenter et de dire quelque chose d’utile dans l’intérêt des lois et du gouvernement, eux autres, s’ils écrivent sur le gouvernement, n’écrivent que pour le faire supprimer ; sur l’art oratoire, que pour proscrire les orateurs ; sur la royauté, que pour inviter à fuir le commerce des rois[1]. Quand ils citent des noms de personnages politiques, c’est pour se moquer d’eux et battre en brèche leur gloire. Ainsi, d’Épaminondas ils diront qu’il avait quelque mérite, mais que ce mérite se réduisait à bien peu de chose (c’est leur propre expression). Ils l’appelleront « entrailles de fer » ; ils demanderont quel besoin il avait de faire une invasion au milieu du Péloponèse ; pourquoi il ne restait pas tranquillement chez lui, coiffé d’un chapeau de fleurs et ne songeant qu’à s’occuper de son ventre. Mais il y a dans certain ouvrage de Métrodore sur la philosophie, une sortie tellement extravagante à propos de la politique, que j’ai cru ne pas devoir la passer sous silence[2]. Voici l’endroit : « Certains sages, par excès d’orgueil, ont considéré l’œuvre de la politique comme une si belle chose, qu’ils se sont laissés aller au désir d’imiter les Lycurgue et les Solon, et ils ont glorifié dans leurs discours la conduite

  1. Nous suivons, pour ce dernier membre de phrase, l’exemple de tous les traducteurs. Toutefois il y a dans le texte une négation que l’on supprime pour établir le sens adopté ; et en rétablissant, ou plutôt en conservant, la négation, on trouve un sens très-plausible : « … Ils n’écrivent sur la royauté que pour nous engager à ne pas fuir le commerce des rois. » Cette dernière pensée est peut-être un peu bien sévère dans la bouche du paisible Plutarque : mais ne se concilie-t-elle pas mieux avec les exemples précédents, qui glorifient le tyrannicide et la haine des rois ?
  2. Ricard traduit : Mais je ne crois pas devoir omettre ici ce que Métrodore a écrit dans son traité sur la philosophie, où il abjure la politique. » Il aura lu, comme Amyot, ἐξορκούμενος (avec un κ) et non ἐξορχούμενος (avec un χ).