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SOLON.


mariant point, n’était pas à l’abri de toute crainte, à moins qu’il ne renonçât aussi à ses parens, à ses amis et à sa patrie. Mais au contraire, il avait adopté Cybistus, le fils de sa sœur. En effet, notre âme ayant en soi des semences naturelles d’affection, et n’étant pas moins faite pour aimer que pour sentir, pour penser et se souvenir, elle remplace les objets naturels d’attachement qui lui manquent par ceux qu’elle va chercher au dehors : semblable alors à une maison ou à une terre qui n’a point d’héritiers légitimes, elle donne entrée dans son amour à des étrangers, et pour ainsi dire, à des bâtards, qui s’insinuent auprès d’elle par leurs caresses, se mettent en possession du cœur ; et, une fois qu’ils y sont établis, font naître avec l’attachement qu’ils inspirent le désir de les conserver et la crainte de les perdre. On voit tous les jours des hommes parler avec la plus grande insensibilité du mariage et des enfans ; et cependant, s’ils viennent à perdre ceux qu’ils ont eus de leurs esclaves ou de leurs concubines, ou seulement s’ils les voient malades, ils se consument en regrets, et s’abandonnent à des plaintes qui décèlent leur pusillanimité. Il en est même pour qui la perte de leurs chevaux ou de leurs chiens est, à leur honte, un sujet d’affliction presque mortelle ; tandis que d autres, après avoir perdu des en-