Page:Plutarque - Vies, traduction Ricard, 1829, tome 9.djvu/516

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dans l’esprit de Darius, et la douleur dont il était pénétré ouvrit son âme aux soupçons les moins fondés ; il emmena l’eunuque dans le lieu le plus retiré de sa tente. « Si tu n’es pas, lui dit-il, devenu Macédonien, comme la fortune des Perses ; si Darius est encore ton maître, dis-moi, par le respect que tu dois à la grande lumière de Mithrès, et à cette main que ton roi te tend, dis-moi si la mort de Statira n’est pas le moindre de ses maux que j’aie à pleurer ; si, pendant sa vie, nous n’en avons pas souffert de plus déplorables, et si nous n’aurions pas été moins malheureux en tombant dans les fers d’un ennemi cruel et barbare. Quelle liaison honnête eût pu porter un jeune prince à rendre de si grands honneurs à la femme de son ennemi ? » Il parlait encore, lorsque Tirée, se précipitant à ses pieds, le conjure de tenir un autre langage, de ne pas faire à Alexandre une telle injustice, de ne pas déshonorer, après sa mort, sa femme et sa sœur, de ne pas s’enlever à lui-même la plus grande consolation qu’il pût avoir dans son malheur, l’assurance d’avoir été vaincu par un homme supérieur à la nature humaine, et qui méritait toute son admiration, pour avoir donné aux femmes des Perses plus de preuves de sa continence qu’il n’en avait donné aux