Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/101

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COMPARAISON
DE
THÉSÉE ET DE ROMULUS.


Voilà ce que j’ai pu recueillir, qui soit digne de mémoire, au sujet de Thésée et de Romulus. Et d’abord, on y voit Thésée, librement, sans contrainte aucune, et alors qu’il pouvait succéder à son aïeul dans une souveraineté qui n’était pas sans éclat, et vivre tranquillement à Trézène, se porter, de son propre mouvement, à entreprendre de grandes choses. Au contraire, ce fut pour fuir l’esclavage où il vivait, et le châtiment dont il était menacé, que Romulus devint, pour parler comme Platon, hardi par peur[1] : la crainte du dernier supplice le poussa, malgré qu’il en eût, aux grandes entreprises. Aussi bien, son plus grand exploit fut la mort d’un seul tyran, celui d’Albe, tandis que les victoires de Thésée sur Sciron, Sinnis, Procruste et Corynète, ne furent pour lui qu’un passe-temps et un prélude : quand il les faisait périr et qu’il punissait leurs brigandages, et quand il délivrait la Grèce de ces tyrans cruels, ceux qu’il sauvait ignoraient jusqu’à son nom même. Ajoutez qu’il pouvait, en prenant le chemin de mer, voyager en sûreté, sans avoir rien à craindre des brigands, tandis que Romulus n’aurait jamais joui du repos, Amulius vivant. Une grande preuve de la supériorité de Thésée, c’est que, sans avoir reçu aucune insulte personnelle, il courut sus aux méchants, pour l’intérêt des autres. Romulus et son frère,

  1. C’est dans le Phédon que Platon s’exprime ainsi.