Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/125

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braves pour tenir tête aux Lacédémoniens. Aussi, Antalcidas, le voyant blessé : « Tu reçois des Thébains, lui dit-il, le digne prix de l’apprentissage que tu leur as fait faire. Ils ne voulaient ni ne savaient combattre ; et tu leur as donné des leçons. » Lycurgue appela ces trois ordonnances rhètres, à titre de décrets et d’oracles prononcés par Apollon.

Persuadé que l’éducation des enfants est le plus beau et le plus important ouvrage d’un législateur, il la prépara de loin, en réglant dès l’abord ce qui regardait les mariages et les naissances ; car il n’est pas vrai que Lycurgue, comme le prétend Aristote[1], eût d’abord entrepris de réformer les femmes, et qu’il y renonça, n’ayant pu refréner leur licence, ni réduire l’autorité excessive que leur avaient laissé prendre les maris, obligés qu’ils étaient, durant leurs fréquentes expéditions de guerre, de leur laisser tout pouvoir, et qui, dès lors, assujettis outre mesure à leurs caprices, leur donnaient le nom de maîtresses. Au contraire, le législateur prit d’elles tout le soin dont elles étaient susceptibles. Il voulut que les filles se fortifiassent, en s’exerçant à la course, à la lutte, à lancer le disque et le javelot, afin que les enfants qu’elles concevraient prissent de fortes racines dans des corps robustes, pour pousser avec plus de vigueur, et qu’elles-mêmes, envisageant l’enfantement sans crainte, résistassent avec plus de courage et de facilité contre les douleurs. Il ôta aux jeunes filles la mollesse de leur vie, leur éducation à l’ombre, et la faiblesse de leur sexe : il les accoutuma à paraître nues en public, comme les jeunes gens ; à danser, à chanter dans certaines solennités, en présence de ceux-ci, et sous leur coup d’œil. Parfois elles leur lançaient quelque brocard bien à point, gourmandant ceux qui avaient fait quelque faute, comme elles donnaient des louanges à qui les avait méritées :

  1. Au chapitre septième du deuxième livre de la Politique.