Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/144

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

second, pour le troisième, et ainsi de suite, selon l’ordre où ils entraient dans l’assemblée. Celui qui avait fait pousser la clameur la plus soutenue et la plus forte, ils le déclaraient sénateur. Le nouvel élu se couronnait de fleurs, et il allait dans les temples, rendre grâces aux dieux. À sa suite, marchaient une foule de jeunes gens, louant à l’envi et exaltant sa vertu, et une troupe de femmes qui chantaient des hymnes en son honneur, et qui le félicitaient d’avoir vécu dans la sagesse. Chacun de ses amis lui servait une collation, en lui disant : « La ville honore ta vertu de cette table. » Quand il les avait tous visités, il se rendait à la salle des repas publics, où les choses se passaient à l’ordinaire, excepté qu’on lui servait deux portions, dont il mettait l’une à part. Après le souper, ses parentes se présentaient aux portes de la salle. Il appelait celle qu’il estimait le plus, et il lui donnait la portion qu’il avait gardée : « J’ai reçu, disait-il, cette portion comme prix de la vertu ; et je te la donne. » Et celle-là était accompagnée chez elle par les autres femmes, et recevait, elle aussi, de grands honneurs.

Il n’y a pas moins de sagesse dans les lois de Lycurgue sur les funérailles. D’abord, pour bannir des esprits toute superstition, il ne défendit pas d’enterrer les morts dans la ville, ni même de placer les tombeaux auprès des temples. C’était le moyen d’accoutumer les jeunes gens au spectacle de la mort, et de les empêcher de se troubler ou de frémir d’horreur à son aspect, et de croire qu’on est souillé pour avoir touché un cadavre, ou pour avoir passé près d’un sépulcre. En second lieu, il ne permit de rien enterrer avec les morts : on les enveloppait d’un drap rouge et de feuilles d’olivier. Il était défendu d’inscrire sur le tombeau le nom du mort, excepté pour le guerrier qui avait péri à la bataille, ou pour la femme consacrée au culte religieux. Lycurgue borna à onze jours la durée du deuil : au douzième jour, on était tenu de faire un sacrifice à Cérès, et le