Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/195

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propre cause dans le barreau, le sénat envoya consulter l’oracle d’Apollon, pour savoir ce que présageait à la ville un pareil exemple. Un grand témoignage de leur docilité et de leur douceur, c’est le souvenir qu’on a conservé des femmes méchantes ; car, la même exactitude avec laquelle nos historiens rapportent les noms de ceux qui ont les premiers excité des discordes civiles, fait la guerre à leurs frères, et tué de leurs propres mains ou leur père ou leur mère, les Romains la mettent aussi à nous apprendre que le premier qui répudia sa femme fut Spurius Carvilius : exemple jusque-là unique, depuis deux cent trente ans que Rome était fondée ; que Thalia, femme de Pinarius, fut la première qui se brouilla avec sa belle-mère nommée Gétania, et que c’était sous Tarquin le Superbe. Tant le législateur avait sagement réglé et dignement ordonné ce qui concernait les mariages !

Les dispositions de la loi sur l’âge où les jeunes filles pourraient se marier sont analogues, chez Numa et chez Lycurgue, à l’éducation qu’elles recevaient. Lycurgue attend, pour les livrer à l’époux, qu’elles soient pubères et qu’elles sentent le désir. Il voulait que cette union, formée d’après le vœu de la nature, fut pour elles une source de bienveillance et d’amour, et non de haine et de crainte, comme il arrive quand c’est la violence qui les soumet en forçant la nature. Il attendait que les corps fussent assez robustes pour supporter la grossesse et les douleurs de l’enfantement ; la procréation des enfants étant, selon lui, l’unique but du mariage. Les Romains, au contraire, mariaient quelquefois des filles de douze ans et au-dessous : ils pensaient qu’à cet âge une femme est plus chaste et plus pure de corps et de mœurs, et qu’elle se plie plus facilement au caractère de son mari. Ainsi l’institution de Lycurgue était, comme on le voit, plus selon la nature, qui a pour fin la procréation des enfants ; tandis que celle de Numa, plus conforme à la morale, avait en vue la concorde des deux époux.