Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’étaient réfugiés dans le temple de Minerve ; l’archonte Mégaclès leur persuada de se présenter en jugement. Ils attachèrent un fil à la statue de la déesse, et, le tenant à la main, ils se mirent à descendre. Ils étaient arrivés près du temple des déesses vénérables[1], quand le fil se rompit de lui-même. Alors Mégaclès et ses collègues se saisirent d’eux, sous prétexte que la déesse leur refusait sa protection. On lapida ceux qui furent pris hors du temple ; et ceux qui s’y étaient sauvés furent massacrés au pied des autels : il n’échappa que ceux qui s’étaient jetés en suppliants devant les femmes des archontes. Depuis ce jour, les archontes furent appelés sacrilèges, et ils devinrent l’objet de la haine publique. Les partisans de Cylon qui avaient survécu reprirent du crédit, et ils se maintinrent dans un perpétuel état d’hostilité avec les descendants de Mégaclès. La sédition était alors dans toute sa force, et le peuple était partagé entre les deux factions. Solon, dont le crédit était déjà grand, s’entremit dans cette affaire ; et, secondé par les principaux Athéniens, il parvint, à force de prières et de remontrances, à déterminer ceux qu’on nommait sacrilèges à se soumettre au jugement de trois cents des plus honnêtes citoyens. Les sacrilèges furent condamnés, sur l’accusation de Myron de Phlye : ceux qui vivaient encore furent bannis ; on déterra les ossements de ceux qui étaient morts, et on les alla jeter hors du territoire de l’Attique.

Les Mégariens, à la faveur de ces troubles, attaquèrent les Athéniens, les chassèrent de Nisée[2], et reprirent Salamine. À ces maux vinrent se joindre des craintes superstitieuses : Athènes était remplie d’apparitions de fantômes. Les devins déclarèrent aussi, d’après l’examen des victimes, qu’il y avait des sacrilèges, des profanations à expier. On fit donc venir de Crète Épiménide

  1. C’était le surnom des Euménides.
  2. Ville située sur le golfe de Corinthe.