Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/256

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retirer. Les devins déclarèrent que c’était un présage de bonheur et de puissance, pour le peuple à qui resterait le quadrige. Les Véiens prirent le parti de ne le pas donner aux Romains, qui le réclamaient. Le char, répondirent-ils, appartenait à Tarquin, et non pas à ceux qui avaient chassé Tarquin. À quelques jours de là, il y eut, à Véies, des courses de chars, avec la pompe et la magnificence accoutumées. Le vainqueur, qu’on venait de couronner, conduisait le sien au petit pas, pour sortir de la carrière. Ses chevaux prennent l’épouvante, sans aucune cause visible ; et, par une impulsion divine, ou par un pur hasard, ils courent à toute bride vers Rome, entraînant avec eux leur conducteur. C’est en vain que celui-ci, de la main, de la voix, fait ce qu’il peut pour les retenir : il finit par les abandonner à leur impétuosité. Il est emporté jusqu’au pied du Capitole, où les chevaux le renversent, près de la porte qu’on appelle aujourd’hui Ratumène[1]. Les Véiens, surpris et effrayés de cet événement, permirent aux ouvriers de rendre le char de terre cuite. C’est pendant une guerre avec les Sabins, que Tarquin l’Ancien, fils de Démarate, avait fait vœu d’élever le temple de Jupiter Capitolin : Tarquin le Superbe, son fils ou son petit-fils[2], accomplit la promesse ; mais celui-ci ne put dédier le temple, car il fut chassé quelque temps avant son achèvement. Quand l’édifice fut terminé, et décoré avec la magnificence convenable, Publicola se montra jaloux d’en faire la consécration ; mais plusieurs des principaux de Rome lui envièrent cette prérogative. Ils avaient souffert sans trop de chagrin la gloire qu’il s’était justement acquise par ses lois et ses victoires ; mais, ne croyant pas qu’il eût droit à ce nouvel honneur,

  1. Ainsi nommée, dit-on, parce que le Véien renversé se nommait Ratuménas.
  2. Tite-Live s’exprime aussi avec doute sur la généalogie des Tarquins, mais tout en penchant à faire, de Tarquin le Superbe, le fils de Tarquin l’Ancien, plutôt que son petit-fils.