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PUBLICOLA.

Publicola leur avait livré les ennemis boiteux, aveugles, pieds et poings liés à peu près, et qu’on n’avait eu qu’à les égorger[1]. Le peuple tira, des dépouilles des ennemis et de la vente des prisonniers, de quoi augmenter considérablement ses ressources. Publicola reçut les honneurs du triomphe ; mais, à peine venait-il de remettre les affaires de l’État aux mains des consuls nommés pour lui succéder, qu’il mourut, après une vie comblée, autant que le permet notre condition mortelle, de tous les biens de ce monde et de tous les bonheurs. Le peuple, comme s’il n’eût rien fait jamais pour Publicola vivant, et qu’il eût encore à lui payer toute sa reconnaissance, ordonna que le corps serait enterré aux dépens du public ; et chaque citoyen contribua du quart d’un as[2]. Les femmes décidèrent entre elles, honorable et glorieuse distinction, qu’elles porteraient un an entier le deuil de Publicola. On voulut aussi qu’il fût enterré dans la ville, près de la colline Vélia ; et le droit de sépulture en ce lieu fut donné pour toujours à ses descendants. Mais, aujourd’hui, on n’y enterre plus personne de sa famille. Seulement, on y apporte le corps ; un homme tient une torche allumée, la met dans le tombeau, et l’en retire un moment après : cérémonie qui atteste le droit du défunt, mais qu’il renonce à cet honneur ; puis on emporte le corps autre part.

  1. Denys d’Halicarnasse donne des chiffres énormes, pour la perte des Sabins : 13,000 morts et 4,200 prisonniers.
  2. Le quart d’as, en latin quadrans, la plus petite des monnaies de cuivre.