Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/271

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
255
COMPARAISON DE SOLON ET DE PUBLICOLA.

appeler au peuple, comme Solon avait établi l’appel aux juges[1]. Si Publicola ne créa point, comme Solon, un nouveau sénat, il augmenta l’ancien presque de moitié. L’établissement des questeurs pour la garde du trésor public fit qu’un consul homme de bien ne manqua pas de loisir pour se livrer à des soins plus importants, et qu’un consul pervers n’eut pas, pour faire le mal, les ressources qu’il eût trouvées dans sa mise en possession et des affaires publiques et du trésor de l’État.

La haine des tyrans fut plus forte dans Publicola. Solon avait ordonné, il est vrai, que tout citoyen qui aurait aspiré à la tyrannie fût mis en jugement ; mais Publicola permit de le tuer avant le jugement même. Solon se glorifia à bon droit d’avoir refusé une royauté que les circonstances mêmes lui offraient, et où ses concitoyens le portaient de leur plein gré. Toutefois, ce n’est pas une moindre gloire, à Publicola, d’avoir rendu plus populaire une autorité presque tyrannique, et de n’avoir pas usé de toute la puissance dont il disposait : modération dont Solon avait, ce semble, jadis exprimé la pensée. Le peuple, dit-il,


De cette façon, obéira sans murmure à ses chefs,
Si on lui serre le frein, mais sans l’écraser sous sa charge.


Un mérite particulier à Solon, c’est l’abolition des dettes, mesure qui contribua, plus que nulle autre, à affermir la liberté des citoyens. C’est en vain que l’égalité est écrite dans les lois, si les dettes en privent les pauvres ; si, alors même qu’ils paraissent jouir le plus de la liberté, si, dans les jugements, dans les fonctions publiques, dans l’exercice du droit de parole, ils sont, plus que jamais, les esclaves des riches, et s’ils ne font que suivre les ordres de leurs créanciers. Solon fit plus en-

  1. Vous voyez ici, chez Plutarque, les préjugés du Grec, qui fait honneur à son pays de tout ce qu’il trouve de bon ailleurs. En réalité, il est probable que Publicola n’avait jamais entendu parler de Solon.